Écrit par Nicolas Vivant

Extrait de la newsletter n°73 de décembre 2011

 

C’est la question que je me suis posée quand Ghislain Sanchez, ufologue fondateur de plusieurs associations (Associations « RACE Ovni » et « La Centrale Ufologique »), m’a soumis deux vidéos datées du 22 novembre et qui s’intitulaient : « UFO Chased in Oakland CA » (Ovni poursuivi à Oakland, Californie). Sur ces documents, des images impressionnantes d’un ovni filmé depuis une voiture, puis, la conductrice ayant finalement stoppé son véhicule, depuis le bord de la route.

Dans ce type de cas, le premier forum que je visite est celui du site ATS (abovetopsecret.com, en anglais). Il est très fréquenté, tant par des sceptiques que par des tenants de l’hypothèse extra-terrestre, et il n’est pas rare, quand un cas devient célèbre, de pouvoir y trouver sinon des réponses, du moins des hypothèses intéressantes.

Au gré des échanges, je notai les deux pistes qui semblaient revenir le plus souvent : la première, classique, était celle d’un trucage vidéo par informatique (aussi appelé « CGI », Computer Generated Imagery) ; la seconde était celle d’un ballon dirigeable (« blimp », en anglais). Partant du principe qu’un dirigeable était plus facile à mettre en évidence qu’un bon trucage, je décidai d’explorer cette possibilité.

San Francisco, royaume du dirigeable

Ayant vérifié qu’Oakland se trouvait dans la baie de San Francisco, je cherchai si des dirigeables étaient effectivement susceptibles de survoler cette zone. Je découvris qu’au sud de la baie, à proximité de Mountain View, se trouvait un des sites les plus célèbres dans le domaine : Moffet Field. On y trouve un complexe dédié à ce type d’aéronef et au sein duquel trône un hangar gigantesque surnommé « Hangar One ».
Parcourant Google Images, je notai la présence régulière de dirigeables célèbres (les fameux « Goodyear » ou autres « Metlife ») au dessus de la ville. Une société, Airship Ventures, est installée dans la région, dont elle propose le survol en Zeppelin.
Ces ballons ont la particularité d’être entièrement éclairés la nuit, et la ressemblance avec ce qui avait été observé, sans être parfaite, était frappante.

Je fis part à mes co-enquêteurs de ces trouvailles, mais il en faut plus pour convaincre un ufologue passionné. On me dit, à juste titre, que la preuve serait faite si je parvenais à identifier LE dirigeable aperçu. Devant la ressemblance moyenne de mes trouvailles et de la capture d’écran qui faisait, depuis 24h, le tour du web, je repris mes recherches.

 

Twitter, le réseau social de l’information immédiate

Partant du principe qu’un dirigeable volant dans le ciel californien était un événement suffisamment notable pour que, depuis cette région très habitée, des internautes décident de le partager avec leurs contacts en temps réel, j’entrepris de vérifier si, sur Twitter, des messages faisaient référence à un survol. J’en découvris trois. Par chance, l’un d’entre eux comprenait une photographie du ballon en question. Tous dataient du 23 novembre, soit le lendemain de l’observation filmée.

 

 

 

La ressemblance entre cette photographie et l’objet observé était telle que je n’eus plus de doute. Je fis immédiatement un montage permettant de comparer les deux images (ci-dessous).

La prise de vue partagée sur Twitter, issue d’un téléphone, étant de mauvaise qualité, restait à identifier précisément la société propriétaire du dirigeable et à faire les dernières vérifications. Le texte des trois tweets faisant clairement référence à « Hangar One », je me rendis de nouveau sur Google Images pour rechercher « hangar one blimp ». J’y trouvai des photos prouvant que le ballon était bien éclairé de l’intérieur en vol de nuit (ci-contre).

 

Pas de canular, pas de trucage, une simple méprise

Il devenait difficile de douter de cette hypothèse. Un tour rapide sur le site web de la société « Hangar One Vodka » me permit de confirmer que des vols avaient bien eu lieu dans la période et à l’endroit de l’observation. J’en informai le forum AboveTopSecret immédiatement et chacun convint que l’affaire était désormais entendue.

Dans une dernière vérification, Ghislain Sanchez contacta la société qui, via sa page Facebook, confirma que le dirigeable avait bien effectué un vol de nuit dans la zone cette nuit-là.

L’automobiliste avait tout simplement était impressionnée par la vue, à distance, d’un ballon dirigeable volant de nuit.

Conclusion

Je tire trois enseignements de ce travail :

  • Les observations d’ovni, quand elles sont partagées par plusieurs témoins, ont de grandes chances d’être répercutées sur les réseaux sociaux. Facebook, pour la facilité d’échange et de recherche et Twitter, pour l’immédiateté de l’information, sont deux outils qu’il est important de ne pas négliger lors d’une recherche de ce type. Je suis bien conscient que les cas explicables (et expliqués) aussi facilement ne sont pas légion. L’absence de document photo ou vidéo, en obligeant les enquêteurs à ne s’appuyer que sur un témoignage, est une difficulté que les réseaux sociaux ne permettent pas de contourner. Inutile de dire que les cas inexpliqués ont encore de beaux jours devant eux.
  • L’immense majorité des ufologues n’ont pas de difficulté pour accepter une explication quand le niveau de preuve apportée est suffisant. Encore faut-il pouvoir mener le travail d’investigation jusqu’au bout.
  • La collaboration entre « sceptiques » et « tenants », par la confrontation des hypothèses et des niveaux de preuve attendus, peut être fructueuse quand elle se fait dans un esprit d’entraide et de respect réciproque.

Nicolas Vivant

 

Comment enquêter efficacement sur un cas d’OVNI quand on se trouve à 10 000 km ?