Écrit par Géraldine F.

Cet article est paru dans notre newsletter n°39 en septembre 2008.

 

L’histoire que vous allez lire n’est pas une fiction mais le récit des événements vécus par les six membres de l’Observatoire zététique qui sont partis enquêter sur un cas de Dame blanche dans un petit village du Lot, entre le 14 et le 17 août 2008. Le mystère a été entièrement élucidé mais la complexité de l’histoire, riche de nombreux rebondissements, a contraint les enquêteurs à différer leurs révélations même auprès des autres membres de l’association. Le récit présenté ici est une version simplifiée qui fait partiellement abstraction de la dimension psychologique de l’affaire. Pour préserver leur anonymat, tous les noms des témoins ont été modifiés.

Voici notre histoire…

Lundi 11 août 2008, le téléphone sonne et nous interrompt, Florent et moi dans les travaux de rénovation de notre appart. Au bout du fil, Nicolas V. Je n’entends que la moitié de la conversation mais Flo arbore un grand sourire. « Si on est partant ? Tu veux rire ?!! Bien sûr !! ». « Une histoire de Dame blanche » me dit-il évasivement après avoir raccroché. Le soir même, je découvre le détail de l’affaire dans un mail posté aux membres de l’OZ, par Nicolas, sous le titre « Branle-bas de combat : Dame blanche à Mauroux ». Quelques heures plus tôt, Nicolas avait été contacté par une jeune femme prénommée Stéphanie au sujet d’apparitions répétées d’une Dame blanche dans un petit village du Lot. Il lançait un appel sur notre liste interne pour réunir une équipe d’enquêteurs prêts à faire le déplacement.

Premières apparitions

D’après l’histoire racontée par Stéphanie, les apparitions de la Dame blanche de Mauroux auraient commencé dans la nuit 2 au 3 août dernier. Alors qu’ils discutaient assis sur un trottoir, plusieurs enfants du village ont soudain remarqué, adossée à un arbre près de l’école, à quelques mètres à peine d’eux, une silhouette blanchâtre. Ils ont interpellé cette « personne » mais dès qu’elle a tourné la tête, ils ont pris peur et se sont enfuis. L’un d’eux ayant filmé toute la scène avec son téléphone portable, ils mirent aussitôt la vidéo en ligne sur youtube.

Dans les nuits qui suivirent, les enfants, parmi lesquels Kévin, le jeune frère de Stéphanie, revirent cette Dame blanche près de l’église, et terrorisés, décidèrent d’en parler à leurs parents. Intriguée, Martine, la mère de Stéphanie et de Kévin, s’est alors rendue avec les enfants près de l’église dans la nuit du 9 au 10 août. Après quelques minutes d’attente, la Dame blanche serait sortie de l’ombre du côté gauche de l’église. Après avoir raccompagné les enfants terrorisés par cette nouvelle apparition, Martine et Stéphanie seraient retournées près de l’église.

« Elle » était toujours là, debout, immobile, tenant dans ses mains un bouquet de fleurs. Les deux femmes, placées à une trentaine de mètres, étaient très impressionnées. « Elle avait comme un drap blanc sur elle… on ne voyait pas son visage. À un moment, elle a relevé sa robe et on a vu les os de ses jambes… On avait l’impression qu’on pouvait la toucher mais quand elle levait son bouquet, ça semblait impossible. Elle est assez grande entre 1,70 et 1,80m. » raconte Stéphanie en frissonnant. Au bout d’un quart d’heure, la Dame blanche jusque là immobile aurait avancé vers elles. D’après Stéphanie, « elle » a fait un pas puis deux dans leur direction et soudain, toutes les lumières du village se sont éteintes. Effrayées, les deux femmes ont aussitôt fait demi-tour et sont rentrées chez elles, sans se retourner.

Martine Dead

Le lendemain soir, Stéphanie et Martine qui n’avaient pas beaucoup dormi décidèrent de retourner près de l’église. La Dame blanche était encore là. Elles imaginèrent alors un protocole de communication pour pouvoir lui parler : elles lui posèrent des questions et lui demandèrent de lever son bouquet en cas de réponse affirmative. De cette manière, elles apprirent que la Dame blanche se nommait « Martine Dead », qu’elle serait dans le village de Mauroux depuis 50 ou 60 ans, qu’elle serait enterrée au cimetière de Fumel, qu’elle se serait suicidée suite à la mort de son mari et alors qu’elle était enceinte. Pour l’aider, il faudrait retrouver sa famille. Stéphanie et Martine lui posèrent d’autres questions : « Es-tu la Dame blanche ? » « Oui » « Es-tu un fantôme ? » « Non » « Dieu existe-t-il ? » « Non. » …

Dans les nuits qui suivirent, d’autres personnes furent les témoins des apparitions de « Martine Dead », parmi lesquelles les parents des autres enfants et le voisin de Martine.

En route pour Mauroux

La Dame blanche de Mauroux apparaîtrait donc régulièrement, et à différentes personnes. Ce cas de figure était suffisamment exceptionnel pour que l’OZ envisageât de se rendre sur place dans le but observer le phénomène. Nicolas constitua donc autour de lui une équipe qui devait partir pour Mauroux : Christelle, Florent M., Anaïs, Nicolas G. et moi. Le départ était fixé au jeudi 14 août, 10h du matin.

Dans la voiture, il fut évidemment question de la Dame blanche. Nous profitâmes des longues heures du voyage pour étudier le dossier en détail afin de nous familiariser avec les personnages et les lieux. Nous envisagions toutes les hypothèses possibles pour expliquer ce mystère. Qui se cache derrière la Dame blanche ? Le directeur de l’office du tourisme qui a trouvé un bon moyen de faire parler de la région ? Une patiente échappée d’un asile proche ? Anaïs qui est en vacances dans le coin et doit nous rejoindre à Mauroux ? En analysant le plan de la place de l’église, Florent et Nicolas V. imaginaient déjà comment ils allaient pouvoir encercler la Dame blanche et lui sauter dessus. « Et si on passe au travers ? » « Comment on expliquera cela aux membres de l’association ? » Bonnes questions. Quelle preuve ramener si nous sommes face à un véritable fantôme ?

Rencontre avec les témoins

Arrivés à Mauroux, après 8 heures de route, nous faisons la connaissance de Martine et Stéphanie dans l’unique café-restaurant du village. Stéphanie a l’air très angoissée. Elle nous avoue avoir retardé ses vacances pour notre enquête et dormir chez sa mère à chaque fois qu’elle voit la Dame blanche, ayant peur de prendre le volant pour rentrer chez elle, dans le village voisin. Le fait que la Dame blanche porte le même prénom que sa mère (associé au nom Dead, c’est-à-dire « mort ») la préoccupe. Martine semble moins inquiète car elle ne « la » sent pas mauvaise, nous dit-elle. La rencontre est sympathique ; nous regardons une nouvelle fois les vidéos (de très mauvaise qualité). Nous sommes tous impatients que la nuit tombe même si ce soir, à Mauroux, c’est la fête de la Bière. « Des conditions pas forcément favorables » laisse entendre Martine.

Avant d’aller dîner, nous faisons un tour sur le lieu des apparitions. Le village est petit. La place de l’église est à l’écart de la partie animée. Une rue longe le côté droit du bâtiment. Dans le renfoncement gauche, nous remarquons une sorte de cabane. Un petit banc, une chaise à l’assise de paille défoncée, des crochets visiblement récents sur les branches de l’arbre qui recouvre l’abri. Bizarre… Nous demandons à Stéphanie et Martine des détails sur les lieux exacts des différentes apparitions et nous prenons quelques photos. Nous nous donnons ensuite tous rendez-vous au monument aux morts, à une centaine de mètres de l’église, autour de 22h15.

Première nuit et premiers frissons

Pendant notre dîner frites-merguez sur la place du village, nous échangeons nos impressions et discutons de la conduite à tenir. Le canular reste l’explication privilégiée. « Si elle se montre ce soir, en un quart d’heure, on sera fixé. » espère Florent, toujours optimiste. Afin de maximiser nos chances de voir la Dame blanche, nous décidons de ne pas tous approcher de l’église, nous laisserons Stéphanie et Martine choisir la ou les personnes qui les accompagneront. Pendant ce temps, les autres membres de l’équipe resteront à distance, prêts à agir. À l’aide d’un téléphone portable, celui ou celle qui accompagnera Stéphanie et Martine préviendra les autres en cas d’apparition. Finalement, avant l’heure du rendez-vous, nous garons la voiture face à l’église et Florent s’y poste avec une caméra braquée sur la façade. Décidé à ne plus cligner des yeux, c’est lui qui lancera le signal avec un talkie-walkie.

Stéphanie et Martine choisissent Anaïs pour les accompagner. Christelle, les deux Nicolas et moi restons donc assis au monument aux morts, les regardant s’éloigner. Une cinquantaine de mètres nous sépare du coin de la rue qui débouche face à l’église. Lorsqu’elles disparaissent, nous restons silencieux, suspendus au talkie-walkie. Au bout de quelques minutes, nos cœurs s’emballent : Flo les entend parler à la Dame blanche. Nico V. et Nico G. se précipitent alors et font le tour du village pour se positionner derrière l’église tandis que Christelle et moi avançons pour bloquer l’avant. Mais les deux Nicolas reviennent rapidement pour nous annoncer qu’il s’agissait d’une fausse alerte. Stéphanie et Martine appelaient simplement la dame blanche à voix haute pour lui demander d’apparaître. Elles nous rejoignent à leur tour au monument aux Morts, dépitées, mais avec la certitude qu’« elle » était bien là. Martine, fatiguée, nous quitte pour aller se coucher. Nous restons avec Stéphanie qui souhaite faire une nouvelle tentative un peu plus tard.

Le village est animé en ce soir de fête ; il nous faut supporter la musique du bal, les passages de voitures et des promeneurs. Il est minuit bien passé lorsque Stéphanie et Anaïs retournent près de l’église. Cette fois, au moment précis où elles tournent le coin de la rue, les lumières du village s’éteignent. Témoins du phénomène, plongés quelques secondes dans la semi obscurité de la nuit, nous échangeons des regards intrigués, presque heureux d’observer enfin quelque chose. Stéphanie et Anaïs ont, elles, immédiatement fait demi-tour. « Vous avez vu ? Vous avez vu ? » nous demande Stéphanie. Oui, nous avons vu les lampadaires de la vieille ville s’éteindre une dizaine de secondes mais nous avons aussi noté que ceux du quartier de la mairie, de la salle des fêtes et de la place principale étaient resté allumés.

Dernière tentative de contact. Cette fois, Florent, Nico G. Anaïs et moi accompagnons Stéphanie tandis que Christelle et Nicolas partent à la recherche du capteur de luminosité qui contrôle l’éclairage public. J’ai le cœur qui bat la chamade lorsque je marche en direction de l’église. Je sais qu’il y a très peu de chance que nous voyions la Dame blanche ce soir, mais j’espère quand même qu’elle est là lorsque nous tournons à l’angle de la place. Malheureusement, je ne vois rien. Stéphanie appelle « Martine », la rassure sur nos intentions, lui dit de ne pas avoir peur… mais rien n’y fait. Nous ne verrons rien ce soir.

Vers 2h, nous décidons de quitter Mauroux pour rejoindre notre hôtel, espérant que la nuit suivante sera plus propice aux apparitions. En repartant, Nicolas nous montre une armoire électrique, installée au bord de la route à l’entrée du village, qui pourrait abriter la cellule photosensible. Il s’arrête quelques secondes et l’éclaire de ses phares. Le village s’éteint.

Deuxième jour : interviews des témoins

15 août, dans la matinée, nous visitons le cimetière de Fumel à la recherche de la tombe de Martine Dead. Il nous sera impossible de la trouver dans ce dédale de caveaux familiaux dont la plupart ne précisent même pas les prénoms des défunts. En début d’après-midi, nous regagnons Mauroux et à l’entrée du village, nous repérons la position exacte du capteur de luminosité. Il nous semble alors plus que vraisemblable que l’extinction de l’éclairage ne soit qu’un événement fortuit causé par le passage d’une ou plusieurs voitures le soir de la fête de la bière. En effet, d’après les témoignages, des enfants notamment, ces extinctions se produisent fréquemment.

L’après-midi sera consacrée à l’interview des témoins, trois des six enfants concernés et leurs parents. Depuis notre arrivée, les enfants, excepté Kévin, semblent se désintéresser de l’histoire. Ils ne peuvent expliquer pourquoi ils ont eu si peur, ni donner plus de détails que ce qui est visible sur leur film. Nous avons pourtant constaté que l’arbre sur lequel la dame blanche était adossée est dans une zone relativement bien éclairée en pleine nuit. Bizarre… est-il possible pour eux que ce soit un canular ? « Non, ce serait trop bien fait ! Les gars seraient trop forts ! »

Deuxième nuit : le doute s’installe

Au dîner, nous évaluons à nouveau nos hypothèses. La vidéo nous semble être très probablement un faux monté par les enfants. Pour qu’ils nous l’avouent, il faudra les amadouer ou tenter le bluff… Quant aux apparitions près de l’église, pourrait-il s’agir de pareidolies ? d’autosuggestion ? d’hallucinations ? Comment faire pour le savoir tant que nous n’avons rien observé ?

Alors que la nuit tombe, Stéphanie nous prévient par téléphone que sa mère est trop fatiguée pour sortir ce soir, elle-même ne nous rejoindra que vers minuit. Nous sommes un peu déçus car la présence de Martine lors de chacune des apparitions ne nous a pas échappé…

Dès que Stéphanie nous rejoint au monument aux morts, nous proposons de faire un essai d’observation. Le village est calme, la lune presque pleine. Anaïs et moi accompagnons Stéphanie. Je tiens la caméra, Anaïs serre dans sa poche le téléphone portable avec lequel elle est censée appeler Florent si nous voyions quelque chose. Nous marchons derrière Stéphanie, en silence. Impatiente et un peu inquiète, je fixe le coin du mur qui me cache encore l’église. Lorsque nous tournons à l’angle, l’église apparaît dans la nuit orangée des lampadaires. Le recoin gauche me semble désert, rien ne bouge dans les bosquets d’arbres à droite. La dame blanche n’est pas là… Stéphanie l’appelle alors à voix haute : « Martine, c’est Stéphanie. Montre toi, s’il te plait. Je suis avec des scientifiques qui sont là pour t’aider. » Pas de réaction. Stéphanie se tourne alors vers nous : « je crois qu’elle a peur de vous. Vous devriez peut-être vous présenter. » Je regarde Anaïs une seconde, embarrassée, et puis j’arrête de réfléchir. « Bonjour Martine. Je m’appelle Géraldine, je suis venue de Grenoble pour te voir. Je ne te veux pas de mal. Je suis là pour t’aider. » Anaïs se lance à son tour, mais n’a pas plus de succès que moi. Lorsque nous rejoignons les autres, Stéphanie nous demande de confirmer ses propres sensations : « Vous ne sentiez pas sa présence ? Je suis sûre qu’elle est là. Il m’a semblé voir quelque chose dans les arbres. »

Vers une heure du matin, alors que nous sommes tous regroupés devant le monument aux morts, un homme arrive en voiture, se gare sur la place du marché et s’approche de nous. Il s’agit du voisin de Martine qui lui aussi fut témoin d’une apparition. À la demande de Stéphanie, il nous raconte cette expérience. Il insiste particulièrement sur le fait que la Dame blanche n’émet pas de lumière à proprement parler mais qu’elle est, selon ses termes, « luminescente ».

Vers 1h30, Stéphanie me propose de retourner devant l’église, seule avec elle. J’accepte mais sur le chemin, un dilemme me saisit : s’il s’agit d’hallucination ou d’autosuggestion de sa part, dois-je dire à Stéphanie que je vois quelque chose si elle me demande de confirmer sa vision ? À nouveau, nous appelons « Martine » toutes les deux. À force de fixer intensément le recoin sombre où elle est censée apparaître, je commence à y percevoir des ombres, mais rien de net. Entre deux appels, nous restons muettes et attentives au moindre bruit. Soudain, alors que jusque là, les pigeons qui peuplent le clocher de l’église roucoulaient amoureusement et que le vent faisait bruisser les feuillages des arbres, tout est devenu parfaitement silencieux, quelques secondes. Stéphanie me regarde : « tu as senti ? » Oui, j’ai eu l’impression fugace d’avoir perdu l’ouïe… Cela m’est déjà arrivé mais dans ce contexte, cette sensation est pour Stéphanie une « preuve » de plus qu’elle me demande ensuite de raconter aux autres lorsque nous les rejoignons au monument aux morts. Nous n’aurons rien de plus cette nuit-là.

 

Dernier jour : enfin l’indice déterminant

16 août. En discutant à midi, nous tombons d’accord sur le fait que nos entretiens de la veille n’ont rien apporté : en groupe, trop longs et sans structure, ils sont inexploitables. Nico G. et Christelle établissent alors un canevas de questions pour les trois enfants qu’il nous reste à interviewer, les trois plus âgés (entre 15 et 17 ans). En fin d’après-midi, Florent, Christelle et Nico G. enregistrent ces dernières interviews. Les enfants, interrogés séparément, restent parfaitement cohérents. Cependant, le plus jeune d’entre eux en fin d’entretien nous donne (sans le savoir ?) enfin l’indice qui va nous mener à l’explication du mystère : il dit que la dame qui vit au-dessus de l’épicerie les a vus le soir où ils ont filmé la Dame blanche. Nico G. et Florent se rendent alors chez cette dame qui accepte de les recevoir. Elle leur explique qu’elle a bien vu cinq jeunes cette nuit-là, devant chez elle. Selon elle, ils seraient restés moins d’une heure et seraient repartis tous ensemble tranquillement. Ils jouaient avec une lumière bleue. L’un d’eux était habillé tout en blanc et portait une capuche. Il était assis contre l’arbre. Quand Flo et Nico donnent les premiers prénoms des garçons de la bande, elle termine la liste. Seul le plus grand, Julien, n’est pas cité… Ils en déduisent qu’il est probablement « la personne en blanc ». Mais est-ce notre Dame blanche ?

Le mystère de la vidéo était donc résolu : il s’agissait bien d’un canular monté par les jeunes du village. Restait encore à découvrir ce que Stéphanie et Martine voyaient près de l’église.

Dernière nuit jour : toute la vérité sur la Dame blanche

Ce soir là, nous expliquons à Martine qu’elle est le facteur commun des apparitions et que nous aimerions donc qu’elle se rende près de l’église sans sa fille. Anaïs et moi l’accompagnons. Pendant ce temps, Nico V. et Christelle ayant appris que l’un des enfants, Ludovic, est seul chez lui, s’éclipsent discrètement dans le but d’aller l’interroger, espérant obtenir des aveux spontanés.

Lorsque nous tournons au coin de l’église, la dame blanche n’est pas là. Martine s’assoit alors sur le trottoir et commence à l’appeler doucement. « Martine, viens, n’aie pas peur. Approche. Décale toi un peu dans la lumière que je te vois ». « Je la sens, elle est là, j’aimerais tellement que vous la voyiez », nous murmurre-t-elle. « Martine, avance un peu que je te vois. Je ne te vois pas bien là. » « Je crois qu’elle est derrière les arbres. Vous la voyiez ? » Anaïs et moi n’osons pas répondre. Je scrute le moindre recoin en me demandant ce que Martine prend pour un fantôme.

Pendant ce temps, Nicolas et Christelle interrogent Ludovic et découvrent la vérité, bien au-delà de leurs attentes. Averti, Nico G. vient aussitôt nous interrompre : « Venez Martine, vous ne verrez pas la Dame blanche ce soir, on va vous expliquer pourquoi. »

Tous rassemblés au monument aux morts, Nico V. nous explique que toute cette histoire n’est qu’un canular monté par les enfants. Destiné initialement à effrayer l’un d’entre eux, l’histoire leur a échappé lorsque Kévin a prévenu sa mère. Mis dans la confidence, c’est finalement Kévin (qu’à aucun moment nous n’avons suspecté) qui avertissait ses copains des sorties nocturnes de Martine et Stéphanie. Julien n’avait alors qu’à revêtir son costume et se rendre à l’église.

 

Démasqués, les enfants nous avouèrent ne pas avoir fait d’apparition devant nous par peur que nous leur sautions dessus. Ils nous offrirent malgré tout une reconstitution en règle qui nous permis de prendre de belles photos. Le costume qu’ils avaient confectionné avec un vieux drap, un masque de monstre peint en blanc et un bouquet de mariée en plastique semblait ridicule vu de près. Mais à trente mètres, distance à laquelle Martine et Stéphanie observaient la Dame blanche, l’illusion était troublante. Les farceurs confirmèrent également que l’extinction des lumières était un « coup de pot » et nous expliquâmes à Stéphanie et Martine comment il se produisait en leur faisant à notre tour une démonstration. Après ces révélations, Stéphanie et Martine semblaient plus soulagées qu’en colère contre les auteurs de la farce.

Épilogue

Je m’arrête là bien que la soirée nous réservât un autre coup de théâtre. Je voudrais simplement finir sur les enseignements que j’ai tirés de cette aventure. D’abord, je suis convaincue que sans scepticisme, le mystère de la Dame blanche de Mauroux n’aurait pas été résolu (je ne pense pas qu’un journaliste aurait passé comme nous trois jours sur le terrain). Nous sommes passés très près d’un départ bredouille et les enfants nous ont garanti que les apparitions auraient alors repris… Nous avons donc peut-être évité la naissance d’une légende, voire d’un emballement médiatique. Un principe zététique rappelle qu’un témoignage n’est pas une preuve, aussi sincère qu’il ait l’air et collectif qu’il soit, cette histoire l’illustre parfaitement. A posteriori, le canular peut sembler évident ; il nous aura fallu trois jours pour le démontrer car nous avons toujours opté pour une approche humaine et respectueuse.

Même si elle n’existe plus, je sais que nous parlerons longtemps de la Dame blanche de Mauroux.

Géraldine F.

Enquête sur la Dame blanche de Mauroux