Écrit par Éric Bévillard
Lundi 15 Septembre 2003

J’étais endormi depuis quelques minutes seulement quand cela s’est produit. Adolescent déjà, j’avais vécu une expérience troublante : en début de nuit, j’eus la sensation de me redresser dans mon lit jusqu’à me retrouver en position assise, sans aide de mes bras et sans effort… et puis, prenant conscience que quelque chose d’inhabituel se produisait, je m’éveillais soudainement et me rendais compte qu’à aucun moment mon corps de ne s’était déplacé. Mon réveil avait été précédé d’une sensation de froid intense, comme si un liquide glacé m’avait envahi de la tête aux pieds. Étrange. Cette fois-ci, c’était différent. D’autant plus que, dans les mois précédents, j’avais eu l’occasion de me renseigner sur le phénomène et que je pouvais donc, en toute conscience, vivre ma première OBE. J’étais allongé sur le dos, reposé, quand j’eus la sensation très nette de m’élever lentement au dessus de mon lit. Je restais quelques secondes ainsi, flottant à vingt centimètres environ, puis me laissais glisser sur la gauche, les pieds en avant. Je me rapprochais du sol et me stabilisais à une trentaine de centimètre de celui-ci. Par l’action de ma seule volonté j’entreprenais, les pieds ouvrant toujours la marche, de faire le tour du lit, avec l’intention de sortir de la chambre. J’y parvenais et me trouvais dans le couloir après un léger virage sur la gauche. Je distinguais, dans une ambiance lumineuse étrange, le corps de mon épouse immobile sous les draps. Je décidais de me redresser, afin de pouvoir profiter du spectacle en position verticale. Conscient de vivre quelque chose d’exceptionnel, une envie soudaine de partager avec ma femme cette joyeuse expérience me saisit. Je l’appelais. Une fois. Mais je l’appelais vraiment. Et c’est son « Quoi ? » qui, en une fraction de seconde, me réveilla soudain. J’articulais un « Non, rien. » étonnamment clair. J’étais parfaitement éveillé, allongé à ses cotés, en grande forme et très heureux.

Dans les jours qui suivirent, je consultais différents articles et ouvrages, pour finalement me rendre compte que non seulement il s’agissait bien d’une OBE, mais qu’en plus elle était typique.

Qu’est-ce qu’une OBE (Out of Body Experience) ou Expérience de Sortie hors du Corps ?

Trouver une définition de l’OBE qui prend en compte l’ensemble des composantes de ce « phénomène » — sans tomber dans le piège de l’interprétation de celui-ci — n’est pas chose aisée. En 1982, Susan BLACKMORE décrit « une expérience pendant laquelle une personne semble percevoir le monde depuis une situation extérieure à son corps physique [1]» ; une sensation curieuse, souvent brève, pendant laquelle on a l’impression de quitter son corps et d’observer le monde depuis une sorte d’ « émanation » de ce dernier.

L’environnement, lui, semble tout ce qu’il y a de réel.

La notion de « voyage astral » est courante pour décrire les Expériences de Sortie hors du Corps. Elle emprunte sa terminologie aux adeptes de la Théosophie de HP Blavatsky et la sonorité « occulte » des mots employés explique probablement la préférence des « pro-paranormal » et autres animistes pour ce terme. Nous lui préférerons « OBE » ou « Expérience de Sortie hors du Corps ». Les adeptes du voyage astral le pratiquent seuls ou en groupe et rapportent des « déplacements » pouvant aller du plafond de leur chambre jusqu’aux confins du système solaire (sic). Lors d’une récente émission de radio, un des intervenants affirmait même avoir pu, lors d’un voyage astral de groupe, confirmer la présence d’eau sous forme glacée au niveau des pôles lunaires [2]. Par ailleurs, la pratique est fréquemment justifiée par son universalité et intemporalité supposées : référence au chamanisme sud-américain, au « vol de l’aigle » amérindien ou à la lévitation chère aux tibétains, par exemple. A l’instar de ces sociétés dites « traditionnelles », une mystique de l’OBE est entretenue dans les milieux ésotériques. On note l’extraordinaire profusion (pour ne pas dire diversité) des témoignages, on s’extasie devant la puissante spiritualité forcément liée au phénomène. On témoigne. Beaucoup.

On a fréquemment tendance à rapprocher l’OBE d’un autre phénomène : la NDE (Near Death Experience ou Expérience de Mort Imminente). Un certain nombre de personnes vont même jusqu’à confondre les deux. C’est le cas, par exemple, de Rémy CHAUVIN qui, dans un récent ouvrage (« Le retour des magiciens, aux éditions JMG » mélange allègrement les genres [3]. Pourtant, plusieurs points diffèrent radicalement : l’OBE se produit pendant une période de détente et de relaxation (sommeil, méditation …) alors que la NDE est souvent liée à un traumatisme grave (coma, perte de conscience liée à un choc, anesthésie générale lors d’une opération, etc.). L’imagerie de la NDE est inhabituelle (tunnel, lumière douce et aveuglante à la fois, sensation de bien-être intense, etc.), celle de l’OBE plus conventionnelle (représentation plus ou moins fidèle d’un environnement proche de la réalité).

On peut vivre un grand nombre d’OBE dans une vie, et on trouve ici ou là des méthodes visant à favoriser le déclenchement de celles-ci. La NDE est très souvent une expérience unique, involontaire, et qui induit presque systématiquement un changement notable dans la psychologie de celui ou celle qui la vit. Par contre, et c’est probablement ce qui explique la confusion des phénomènes, une NDE est souvent précédée d’une OBE. Dans la grande majorité des cas, l’ « expérienceur » sent qu’il quitte son corps puis se retrouve par exemple au plafond de la salle d’opération, observant les médecins qui s’affairent sur celui-ci.

La distinction entre NDE et OBE est pourtant importante, et elle s’impose quand on souhaite aborder ces dernières au niveau expérimental. Un protocole d’étude des OBE est relativement simple à mettre en place, autant pour les aspects psychologiques que neurophysiologiques, dans la mesure où le phénomène est reproductible sans trop de difficulté. Il semble même pouvoir être induit comme le rapporte un article d’Olaf BLANKE et ses collaborateurs [4]. A l’inverse, les conditions extrêmes qui entourent la plupart des NDE rendent l’approche scientifique de celles-ci beaucoup plus malaisée.

Le risque majeur du rapprochement OBE-NDE est donc que la confusion semblant prédominer aujourd’hui dans l’étude des NDE occulte les avancées notables de ces derniers temps pour ce qui concerne les OBE.

Quel intérêt une Expérience hors du corps peut-elle représenter ?

On trouve des traces de récits pouvant s’apparenter aux OBE dès l’antiquité. Néanmoins, les premières tentatives d’une explication globale du phénomène ne datent que de la fin du 19ème siècle. Elles sont souvent l’œuvre de chercheurs qui privilégient l’hypothèse animiste : lors de l’OBE, l’âme (ou, une « projection astrale » du corps selon la terminologie théosophique) se sépare temporairement du corps et se déplace dans le monde physique. L’enjeu, dans ce cadre précis, est énorme. Il s’agit ni plus ni moins que de découvrir dans quelle mesure les OBE seraient révélatrices de l’existence d’une forme de conscience indépendante de l’enveloppe physique.

Il faudra attendre la deuxième moitié du 20ème siècle pour que, l’évolution des outils de mesure aidant, des scientifiques d’horizons divers (psychologues, psychiatres, neurobiologistes…) s’intéressent aux OBE au niveau expérimental. L’utilisation de l’électro-encéphalogramme (EEG) et surtout du polygraphe — qui permet d’enregistrer plusieurs paramètres simultanément (rythme cardiaque, rythme respiratoire, EEG, mouvements oculaires …etc.) – dans les « Laboratoires du Sommeil » permet des avancées considérables dans des domaines qui touchent de près ou de loin aux OBE. Celles-ci deviennent alors partie intégrante d’études liées au sommeil (M. JOUVET, Lyon, France) ou à la conscience (S. LABERGE, Standford, Californie), voire des sujets d’étude à part entière (Susan BLACKMORE, Bristol, Royaume-Uni). Les notions de lucidité, de conscience, de mémoire, d’ « input sensoriels » (toute information transmise au cerveau par l’un des cinq sens) et de subconscient sont l’objet de recherches toujours plus poussées et notre compréhension de celles-ci évolue rapidement. Les Expériences de Sortie hors du Corps participent ainsi de ces avancées scientifiques, au même titre que de nombreux autres « phénomènes » (REM, rêves lucides, faux éveils, somnambulisme, érections nocturnes…).

Un simple coup d’œil sur les publications touchant aux OBE permet d’en prendre conscience : les niveaux d’attente différent incroyablement entre partisans de l’hypothèse paranormale et communauté scientifique.

Une expérience aussi inhabituelle que l’OBE, quand elle est sous-tendue par la croyance en une survie de « quelque chose » après la mort, revêt une importance primordiale pour celui qui la vit. C’est cette croyance, nourrie d’espoir, qui est certainement à l’origine de bien des passions.

A l’inverse, quand l’OBE est étudiée comme un état de conscience (BLACKMORE), ou comme un simple rêve de type particulier (LABERGE, JOUVET), elle n’est qu’un élément parmi une masse d’objets d’étude.

Cette différence de niveau d’attente explique certainement la frustration de nombre de « pro-paranormal » vis-à-vis de la communauté scientifique. Ils rêvent d’âmes, et héritent de polygraphes.


Hypothèses et théories

Dans sa FAQ (Foire aux questions) sur les OBE parue en 1994, Jouni A. SMED présente les différentes théories sous cinq grandes sections, elles-mêmes groupées selon deux postulats principaux : « Quelque chose quitte le corps », ou « Rien ne quitte le corps ». L’intérêt de cette représentation est qu’elle est en adéquation avec les différentes approches expérimentales possibles.

« Quelque chose quitte le corps »

  • Les théories « physiques » (Un double physique voyage dans le monde physique)

Elles partent du principe que chacun d’entre nous aurait un second corps physique pouvant se séparer du corps habituel pour se déplacer dans le monde réel.

Les différentes théories physiques butent tout d’abord sur le problème de la constitution et de l’aspect de ce second corps. CARRINGTON [5] et TART [6] font état de témoignages où les représentations vont du globe à l’entité lumineuse diffuse, en passant par des copies plus ou moins denses du corps usuel.

Ensuite, ces théories n’expliquent pas les petites différences avec le monde à l’état éveillé que les témoins rapportent quasi systématiquement. En effet, au cours d’une OBE, les lieux « visités » ne sont pas exactement identiques à ce qu’ils sont usuellement (motif des rideaux inhabituel, habitations nouvelles dans une rue pourtant bien connue, etc.).

Enfin, et surtout, aucun exemple d’interaction réussie entre l’émanation corporelle et l’environnement réel n’est venu confirmer ces théories.

  • Théorie du monde astral physique (Un double non physique voyage dans le monde physique)

Nombreux sont les tenants de l’hypothèse selon laquelle l’« âme » (la définition de ce terme étant variable d’une théorie à l’autre) peut quitter temporairement le siège physique de la conscience et donc se déplacer facilement, au gré de la volonté de celui qui expérimente une OBE. C’est ainsi qu’on entend certains « expérienceurs » prétendre se déplacer à la vitesse de la pensée et visiter des lieux très éloignés.

Mais dès 1982, Susan BLACKMORE explique dans son article « Beyond the Body : an Investigation of Out of Body Experiences » [7] que cette théorie ne peut être valide car elle se trouve confrontée aux mêmes écueils que pour les théories « physiques ». Par ailleurs, aucune expérience, quand elle est menée dans un cadre strictement contrôlé, n’a permis de valider le déplacement dans notre monde physique d’une conscience décorporée sensible à son environnement (i.e : capable au moins de recueillir de l’information).

  • Théorie du monde astral mental (Un double non physique voyage dans un monde astral non physique, mais « objectif »)

La notion de monde astral mental mais objectif n’est pas facile à appréhender. Ces théories soutiennent l’hypothèse de l’existence d’un monde qui, bien qu’il ne soit que mental, n’en est pas moins unique et objectif. C’est en quelque sort un monde parallèle, superposé à notre monde physique. Il est indépendant de celui qui l’observe, ses caractéristiques étant partagées par tous, un état de conscience particulier permettant alors d’y accéder. Ces théories précisent que toute personne présente dans ce « monde astral » peut, par l’action de sa seule pensée, le faire varier selon sa propre volonté, la modification est alors accessible à tout autre visiteur. La question qui se pose à l’expérimentateur est donc celle-ci : « dans le cadre de cette théorie, la représentation du monde visité est-elle unique et accessible à tous ou dépend-elle de l’individu qui vit l’expérience hors du corps ? ». Dans l’article de 1982 auquel nous nous sommes déjà référés, Susan BLACKMORE place le problème au niveau du fonctionnement de la pensée : elle explique que les souvenirs sont stockés d’une façon ou d’une autre dans notre cerveau, selon un codage qui nous est propre. En effet, on sélectionne et retient plus ou moins bien les choses en fonction de notre vécu, de nos centres d’intérêt …etc. Si on part du principe qu’une pensée peut-être stockée dans le monde astral, cela signifie que quelqu’un peut l’y déposer et quelqu’un d’autre y accéder. Mais comme le système de stockage et de rappel des souvenirs est unique pour une personne donnée, comment ces pensées du monde astral peuvent-elles faire sens pour une tierce personne ? Pour prouver ces théories, il faudrait donc que quelqu’un arrive à récupérer tout ou partie des pensées d’une autre voyageur à travers le monde astral.

« Rien ne quitte le corps »

  • La théorie parapsychologique (Imagination plus Perception Extra-Sensorielle)

Selon cette théorie, une OBE est la concomitance de deux phénomènes. Le premier, de type hallucinatoire, est la reconstitution par le subconscient d’un monde imaginaire proche du monde réel. Le second serait l’obtention de données et paramètres « objectifs » par Perception Extra-Sensorielle (ESP en anglais). L’étude expérimentale de cette théorie ne va pas sans poser un certain nombre de problèmes : d’après Susan BLACKMORE, dire de ce phénomène qu’il repose sur une hallucination n’apporte rien à la recherche. Y ajouter une dimension de perception extra-sensorielle n’aide pas plus à la compréhension, l’existence même de l’ESP n’étant à ce jour étayée par aucune étude scientifique sérieuse. Les expériences (toutes anciennes) qui ont tenté de mettre en évidence des interactions de ce type se sont pour la grande majorité soldées par des résultats négatifs (voir par exemple MORRIS, et all. 1978, « Studies of communication during out-of-body experiences », Journal of the Society for Psychical Research, 72, 1-22)

  • Les théories psychologiques actuelles

Plusieurs chercheurs en psychologie se sont spécialisés dans l’étude des rêves, des phénomènes de paralysie du sommeil et ont abordé les notions de conscience, d’éveil, etc. Parmi ceux-ci, Susan BLACKMORE et Stephen LABERGE.

Ce modèle a permis d’expliquer la plupart des sensations liées aux OBE. On sait, par exemple, que la perception de l’attraction terrestre est un des éléments permettant de se situer dans l’espace, notamment pendant le sommeil. La perte de cette information est à l’origine des sensations de « flottement » et de « sortie hors du corps » typiques d’un début d’OBE. ont consacré une grande partie de leur travail à l’analyse d’OBE et autres NDE. S’ils sont partis de postulat différents, leurs conclusions sont peu ou prou les mêmes. Une OBE se produit lorsque dans un état de conscience, la perception sensorielle du sujet est inhibée. Le cerveau n’étant plus renseigné sur son environnement par le biais des cinq sens, il aura tendance à recréer de mémoire un modèle de représentation connu : un corps et un lieu. [8] [9]


La recherche psychologique et neurologique

Les tenants des différentes théories « paranormales » se plaignent régulièrement du manque d’intérêt témoigné par la communauté scientifique pour les phénomènes extraordinaires. Nous avons vu, dans un paragraphe précédent, qu’une différence de perception des « enjeux » explique en grande partie cette quasi indifférence du milieu scientifique. Par leur nature même, les OBE ont dans un premier temps attiré des chercheurs passionnés de mystère, aux convictions souvent spiritualistes. Depuis le début des années 80, il semble au contraire que la plupart des études réalisées sont l’œuvre de scientifiques sans a priori. Des avancées considérables ont découlé de ces travaux et l’interprétation surnaturelle du phénomène est devenue largement minoritaire.

Michel JOUVET, célèbre neurobiologiste (il est, entre autres, à l’origine de la notion de « sommeil paradoxal »), écrit en 1992 : « Je dois confesser que pendant longtemps je n’ai pas cru à l’existence de ces rêves lucides. Cependant, depuis 3 ans, à 4 reprises, j’ai pu constater l’extraordinaire expérience subjective que représentent le déroulement de l’imagerie onirique que l’on ne peut influencer, et à laquelle on assiste en étant parfaitement conscient qu’il s’agit d’un rêve.» [10]. Ce scientifique reconnu valide dans plusieurs de ses publications l’hypothèse psychologique de Stephen LABERGE : elle n’entre pas en conflit avec ses propres observations expérimentales.

Stephen LABERGE, psychologue chargé de recherche à l’université de Stanford (Californie), a pu établir que les OBE ne sont probablement qu’un type particulier de rêve lucide.

LABERGE décrit deux types de rêves lucides : le « DILD » (Dream Initiated Lucid Dream) au cours duquel le sujet prend conscience de son état onirique au beau milieu d’un rêve (plus de deux minutes après l’entrée dans la phase de sommeil paradoxal). Si le DILD représente 80% des rêves lucides observés, c’est lors de « WILD » (Wake Initiated Lucid Dream) que se produisent la majorité des OBE. On considère qu’il y a WILD quand le sujet passe directement d’une phase d’éveil à une phase de sommeil paradoxal assortie d’un rêve lucide. Une étude célèbre de LABERGE portant sur 572 personnes a permis d’analyser 107 rêves lucides. 28% des WILD ont été reportés comme étant des OBE, pour seulement 6% des DILD. LABERGE a par ailleurs mis en évidence les nombreux points communs liant les OBE aux phénomènes de « paralysie du sommeil ». Pour LABERGE, comme pour BLACKMORE, la perte d’« input sensoriels » est à l’origine de ceux-ci [11].

Susan BLACKMORE, psychologue de Oxford, a consacré une grande partie de ses recherches aux OBE et aux NDE. Ayant elle-même (lors d’une séance de Ouija !) vécue une OBE en 1970, elle décide d’en faire son sujet d’étude de prédilection afin de « prouver à tous [les scientifiques] qu’ils ont tort ». Dans son esprit, seule la parapsychologie peut l’aider à expliquer ses phénomènes.

Dix ans de travaux scientifiques plus tard (en 1987), elle écrit un article intitulé « The Elusive Open Mind : Ten Years of Negative Research in Parapsychology » (L’insaisissable ouverture d’esprit : dix ans de recherches infructueuses en parapsychologie), constat d’échec amusé d’une chercheuse faisant pourtant référence dans le domaine. Elle y établit l’impossibilité de la parapsychologie à fournir des interprétations pertinentes permettant de progresser dans la connaissance des OBE et NDE : « (…) nous avons assez de résultats pour répondre qu’il n’y a pas de preuve de l’origine surnaturelle des OBE, il n’y a pas de preuve de quoi que ce soit quittant le corps, et il n’y a pas de preuves d’effets causés par des personnes hors de leur corps. (…) J’ai suggéré que les OBE se produisaient tout simplement quand le système perd le contrôle sensoriel et remplace le « modèle de réalité » habituel par une construction issue de la mémoire. Celle-ci semble réelle parce qu’elle est le meilleur modèle à la disposition du système à ce moment-là, et c’est pour cela qu’elle est choisie pour représenter cet « ailleurs ».»[12]

La contribution de LABERGE et BLACKMORE est unanimement reconnue, autant dans le milieu scientifique que parapsychologique, mais elle reste une interprétation exclusivement psychologique du phénomène.

En 1992, Michel JOUVET écrit : « l’interprétation en termes neurobiologiques de ces phénomènes nous échappe ». Dix ans plus tard, un article de Nature permet enfin d’en savoir plus sur les aspects neurophysiologiques de l’expérience. Olaf BLANKE et ses collaborateurs du département de neurologie de l’Hôpital de Genève (Suisse) montrent en effet, dans une publication datant de 2002, qu’il est possible d’induire une OBE par stimulation électrique de la zone appelée « gyrus angulaire » située à cheval entre le lobe temporal et le lobe pariétal. L’expérience portait à l’origine sur l’épilepsie, et c’est par hasard que ce lien est mis en évidence. Nul doute que ce premier pas permettra, s’il est suivi de recherches plus précises, une meilleure compréhension des mécanismes neurologiques en jeu.[13]


Références

[1] Blackmore, S. J., “Beyond the Body: an Investigation of Out-of-Body Experiences”, Heinemann, Londres, 1982
[2] Propos tenus par Serge BOUTBOULE dans l’émission de France Inter “Histoires possibles et impossibles” du dimanche 24 juin 2001 intitulée “Le voyage astral”.
[3] Remy CHAUVIN, “Le retour des magiciens”, Ed. JMG, 2002
[4] Blanke, O., Ortigue, S., Landis, T. and Seeck, M. ‘Stimulating illusory own-body perceptions’. Nature, 419, p.269-270, 2002.
[5] Muldoon, S. and Carrington, H., “The Projection of the Astral Body”, Rider & Co., Londres, 1929
[6] Tart, C. T., “Out-of-the-Body Experiences” (in Mitchell, E. ed. Psychic Exploration, New York: G. P. Putnams Sons, 1974, pp. 349-373)
[7] Blackmore, S. J., op. cit.
[8] Blackmore, S., “A theory of lucid dreams and OBEs” (In Gackenbach, J. and LaBerge, S., (Eds.), Conscious Mind, Sleeping Brain, p. 373-387, Plenum, New-York, 1988
[9] Levitan, L., LaBerge, S., “Other Worlds: Out-Of-Body Experiences And Lucid Dreams” (in NIGHTLIGHT 3(2-3), 1991)
[10] Jouvet, M., “Le sommeil, l’autre versant de l’esprit”, Revue de Métaphysique et de Morale, N° 2, p.185, 1992
[11] Levitan, L., LaBerge, S., op. cit.
[12] Blackmore, S. “he Elusive Open Mind: Ten Years of Negative Research in Parapsychology” in The Skeptical Inquirer 11, pp. 244-255, 1987)

[13] Ajout daté du mois d’avril 2003 : Olaf Blanke, entouré de Philippe Maeder, spécialiste en techniques d’imagerie fonctionnelle, et de Christine Mohr, neuropsychologue genevoise est en train de mettre au point une expérience qui associe électroencéphalogramme (EEG) et imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMF) pour traquer l’endroit précis du cerveau qui provoque ce «dysfonctionnement» transitoire de la représentation spatiale du corps. Le but est d’identifier les zones effectivement activées par les stimuli lors d’une OBE.


Première publication : Enquêtes Z n°17, automne 2003

OBE, Out of Body Experiences, Expériences de Sortie hors du Corps