Le New Age, son histoire, ses pratiques, ses arnaques…

Renaud Marhic et Emmanuel Besnier
Édition Le Castor Astral (1999) 248 pages – 20 euros

Définir le New Age et circonscrire ses diverses formes n’est pas chose aisée. Heureusement, le livre de Renaud Marhic et Emmanuel Besnier est là pour nous aider à y voir clair dans cette nébuleuse tentaculaire.

Cette synthèse réalisée après une longue enquête journalistique fait remonter les origines du Nouvel Âge à la théosophie d’Helena Blavatsky, fin XIXe. Mais c’est dans les années 1920 qu’Alice Bailey, sa disciple, évoque pour la première fois sous l’expression New Age, un changement d’ère, annonçant même le retour du Christ. Tout en prophétisant l’avènement de cette ère « spirituelle », placée sous le signe astrologique du Verseau, le New Age reprend et popularise des notions issues des religions orientales, en particulier l’hindouisme, telles que la réincarnation ou les chakras. Apparaissent alors de nombreuses pratiques et thérapies, révélées à leurs inventeurs, mêlant « énergies », « fluides vitaux », « aura », « anges », « esprits » et même « extraterrestres » et promettant à leurs adeptes une véritable « transformation personnelle ». On ne sera donc pas surpris (quoique parfois un peu) de retrouver dans ce livre, aussi bien l’astrologie que la PNL, la kinésiologie, la graphologie, la sophrologie, l’urinothérapie, l’ostéopathie, l’homéopathie, la radiesthésie…

Multiforme, sous son vernis pseudoscientifique et ses allures mystiques, valorisant l’intuition au détriment de la raison, le New Age dissimule bien des dérives, en particulier sectaires. Si elles ne nous donnent pas véritablement d’éléments pour nous préserver de leurs dangers, les recherches historiques de Renaud Marhic et Emmanuel Besnier permettent de comprendre les traits communs des différents visages du New Age.

Citations

« Si la formule n’était pas forcément réductrice, on serait tenté de dire que l’éclosion du Nouvel Âge en 1968, ce fut la Théosophie plus la drogue… » (p. 31)

« Avec le Nouvel Âge, il nous faut nous en remettre à l’intuition ou à la révélation. Changement de paradigme oblige, nous quittons d’emblée le domaine de la réflexion pour celui de l’émotion. » (p. 52)

« Dans le domaine de l’entreprise comme ailleurs, telle est la philosophie du Nouvel Âge : pourquoi comprendre quand il est si facile de croire ? » (p. 133)
« Correctement informé sur les dangers des sectes, le grand public est totalement ignorant des risques inhérents au sectarisme du Nouvel Âge. Et les victimes se comptent par milliers… » (p. 187)
« Le Nouvel Âge et ses prosélytes incarnent l’antithèse du Siècle des Lumières, ils foulent aux pieds la démocratie et se régalent de délires théocratiques. » (p. 235)

Interview

Lors de la conférence sur le New Age le 3 décembre 2007 à Chambéry, en introduction, Renaud Marhic a répondu aux questions de Franck Villard, président de l’ADFI 2SI et modérateur de la soirée. Nous retranscrivons ici cet échange. En ligne également cette interview de Renaud Marhic par Guy Rouquet, fondateur de l’association Psychothérapie Vigilance.

Franck Villard – Comment définiriez vous le New Age en quelques mots ? Est-ce que c’est un mouvement constitué ? Un courant de pensée ? Une forme de religion ?

Renaud Marhic – Il s’agit d’un courant de pensée, mais pas au sens littéraire du terme. En aucun cas, il ne s’agit d’un mouvement constitué. On ne cherchera donc pas de maître, de gourou en chef, ni de siège. Il s’agit davantage d’une façon de penser, d’une façon de voir le monde.

FV – D’où vient ce terme de New Age et quelles sont les origines de ce mouvement ?

RM – New Age signifie « Nouvel Âge » et on a longtemps cru qu’il s’agissait d’une expression employée pour la première fois par Alice Bailey. Alice Bailey était une théosophe en rupture de ban avec la Société de Théosophie, mouvement crée par l’aventurière Helena Blavatsky. En 1948, Alice Bailey, qui se proposait de changer le monde à travers les nouvelles structures qu’elle venait de créer, écrivait dans un livre intitulé Le retour du Christ que l’important était la « transition dans un Nouvel Âge ». Pourquoi l’important ? Parce que tout allait changer avec le retour d’un christ qui ne serait pas le christ mais qui serait un avatar.

On a longtemps cru que le terme New Age avait été employé pour la première fois en 1948 mais j’ai pour ma part une autre version puisque dès 1911, nous retrouvons en Angleterre, une revue intitulée The New Age. Cette revue paraît dans un climat de libération culturelle engendrée par la mort du roi Edouard VII. Déjà en 1911, elle mêle sans vergogne aussi bien la philosophie vitaliste de Bergson que les débuts d’une certaine psychanalyse, avec Jung. On y retrouve également la « philosophie », si l’on peut employer ce terme, du mage Gurdjieff à travers les articles d’Ouspensky, un de ses principaux associés, qui déjà nous expliquait qu’il fallait réveiller l’humain endormi par des pratiques occultes à vocation thérapeutique dont le rappel de soi. En Bref, dès 1911, on a des gens qui commencent à mélanger des choses très différentes. Ensuite, tout cela va faire son chemin dans les consciences et on va voir des personnes se réclamer du Nouvel Âge notamment aux États-Unis.

FV – Pourtant actuellement, aucun des mouvements que l’on peut qualifier de « New Age » ne se revendique ouvertement de ce courant. Dans votre livre, vous écrivez d’ailleurs : « Ne dites pas à ma mère que je suis newager, elle me croit chaman thérapeute psycho-spirituel. ». Alors, pourquoi selon vous ?

RM – En effet, on constate que le New Age est quelque part une appartenance un peu honteuse sur un plan philosophique et idéologique. Pourquoi ? Parce que lorsque l’on retrace ses origines, on arrive sur des gens qui nous ont dit que le monde allait changer. Changer à l’occasion de l’ère du Verseau qui succèderait à l’ère des Poissons, comme le croyait Alice Bailey. Vous avez parlé de 2012 mais il faut savoir que selon les personnes, on va trouver toutes sortes de dates qui n’ont pas de rapport les unes avec les autres. On est pourtant toujours face à la même affirmation : la Terre va entrer, avec l’aide du Christ ou de qui vous voudrez, dans un Nouvel Âge d’or. Cela fait un petit moment qu’on nous l’annonce, depuis 1948, voire 1911. Peut-être que certains voient dans l’évolution de notre société, de la planète, un Nouvel Âge d’or mais cette vision peut se contester. Alors qu’ont fait les newagers ? Exactement à la façon des prophètes, ils nous disent : « Ok, ce n’est pas pour cette fois-ci mais ce sera pour la prochaine. » Aujourd’hui, c’est donc très ringard de dire New Age. On ne dit plus New Age mais Next age : ce n’est plus « Nouvel Âge » mais « âge prochain ». Et bien entendu, quand en 2012, il ne se sera rien passé et quand dans les années suivant 2012, la situation de la planète aura encore empiré, on va nous annoncer que, en fonction d’autres calculs, on peut envisager que plus tard… Voilà pourquoi cela ne se fait plus de dire que l’on est New Age. Par contre, vous citiez mon ouvrage, on va par tout les moyens affirmer que l’on participe à ce renouveau que désormais on est en pratique de nouvelles connaissances et notamment de nouvelles thérapies puisque depuis les origines, le New Age a toujours voulu soigner la planète. Et pour soigner la planète, les newagers nous disent qu’il faut remettre l’Homme au centre de tout. Il faut donc commencer par soigner l’Homme pour soigner la planète. Comment le soigner ? À l’aide de toutes ces thérapies que l’on voit apparaître aujourd’hui.

FV – Dans un entretien avec Guy Rouquet, vous définissez le New Age comme « l’école des doctrines faciles ». Vous dites : « Hissant le moindre ressenti au rang de connaissance, il fait place à toutes les lubies. S’il faut parler de charlatanisme, c’est en cela que, au pays du New Age, tout le monde est professeur. Nimbus ou Tournesol… Et recevra les honneurs dus à son « rang » au seul prix des théories les plus improbables. La Tradition tenue en symétrie avec la Science, l’intuition faite connaissance ». Est-ce que vous pouvez nous parler du rapport ambigu entre le New Age et la Science ?

RM – Partout professent aujourd’hui de nouveaux Nimbus, de nouveaux professeurs Tournesol. Sur quelles bases ? La recette est simple, on la connaît : pour que naisse une nouvelle « discipline », il suffit d’accoler la terminaison –logie, à tout et n’importe quoi. Vous pouvez demain vous baptiser professeur de je-ne-sais-quoi-logie. Cela devrait vous attirer une certaine clientèle. On voit ainsi l’astrologie, la radiesthésie devenir médicales. Le yoga devient même cellulaire. On peut faire du yoga pour se détendre. Qu’en est-il quand on vous dit que le yoga va guérir votre cancer ? Peut-être l’exemple de ces psychothérapeutes que l’on voit se multiplier depuis vingt ans est-il parlant. « Psychothérapeute » est un titre non légalement protégé, ce que veut dire qu’il peut être adopté par vous, par moi, demain pour peu que nous vissions une plaque sur notre porte et que nous nous acquittions des cotisations sociales inhérentes à l’exercice d’une profession libérale. Et nous ne serons passible d’aucune poursuite. Cela veut dire que des gens qui n’ont pas la moindre notion de psychologie, de santé mentale peuvent demain se mettre à soigner de grands dépressifs voire des malades mentaux. On est là dans la dérive la plus complète qui est la marque de fabrique du New Age. Car le New Age nous dit que l’on a changé de paradigme, de cadre de référence. Il ne faut plus penser comme avant. Avant, si vous vouliez soigner, il vous fallait faire des études scientifiques longues, difficiles et coûteuses. Alors que dans les populations de cultures chamaniques, on devient chaman après un épisode ponctuel : un homme a regardé la lune et a été ravi aux cieux par la lune, il a rencontré là les esprits et devient chaman. Puisque c’est comme cela dans les cultures chamaniques, on va décréter – changement de paradigme – qu’il en est ainsi pour l’Occident. Ainsi n’importe quel professeur Nimbus ou Tournesol qui aura eu un jour en sortant du métro ou en prenant son bain a eu une intuition, va mettre en pratique cette intuition, généralement sans jamais oublié le cadre commercial qui va avec – et c’est sans doute l’énorme différence d’avec ces populations de cultures chamaniques. N’oublions jamais que si les disciplines les plus improbables apparaissent sur la base d’intuitions non moins improbables, elles ne manquent jamais d’être sévèrement tarifées.

FV – Qu’y a-t-il de séduisant dans ce que propose le New Age ?

RM – Peut-être justement cette facilité. Il est vrai que faire voler en éclat le paradigme, le cadre de référence, est très tentant. D’ailleurs cela a souvent été associé chez certaines personnes à une attitude révolutionnaire : on va mettre à bas la « caste des médecins », on va mener une véritable révolution culturelle et tout va aller beaucoup mieux. Les expériences de ce type peuvent être tentantes. C’est vrai que comme par hasard on va voir ces idées se développer éclore aux États-Unis à partir de 1968, à partir du mouvement de la contre-culture, avec deux branches bien précises : des gens qui vont s’orienter vers un combat politique et des gens qui vont s’orienter vers un combat philosophico-religieux et qui vont devenir par la suite des figures de proue du New Age. Je crois que la fascination est là : dans la facilité. La médecine a certainement des travers mais quand on voit ce qui se passe aujourd’hui dans les « cabinets » de ces thérapeutes, de ces « dérapeutes », je crois que l’on est en train de soigner le mal, si mal il y a par quelque chose de bien plus dangereux encore.

Renaud Marhic et Emmanuel Besnier – Le New Age