Écrit par Stanislas ANTCZAK
15 Octobre 2002
Un peu d’histoire
Astrologie et astronomie sont toutes deux nées, il y a 5000 ans, du même désir de comprendre la Terre en observant le ciel.
Constatant les coïncidences entres les rythmes terrestres et célestes (saisons, marées…), on a voulu établir des correspondances. On a ainsi regroupé les étoiles en constellations auxquelles on a attribué des noms symboliques prenant en compte la course du Soleil, l’astre de la vie, dans la voûte céleste. On a alors extrapolé : c’est le ciel, par l’intermédiaire des constellations et de leurs pouvoirs symboliques, qui gouverne ce qui se passe ici-bas dans les moindres détails. Maîtriser le langage des astres permettait donc de maîtriser le monde. La construction des lois astrologiques sur ces principes s’est faite différemment selon les civilisations, leurs coutumes, leur mode de vie et leurs interprétations du ciel. L’astrologie et l’astronomie ont définitivement consommé leur divorce au XVIIe siècle avec les débuts des sciences modernes. Depuis, l’astrologie se cherche une légitimité et revient à la mode périodiquement.
Les principes de l’astrologie
L’astrologie moderne qui est pratiquée chez nous cherche généralement à connaître la destinée d’un individu (ou d’un pays…) grâce à une lecture des astres.
- On fait d’abord le thème astral de l’individu, qui est simplement une carte relevant la position des astres dans le ciel à la naissance ;
- L’interprétation de ce thème, en fonction des oppositions ou des accointances des astres, donne des renseignements généraux (le profil psychologique de l’individu, ses grandes tendances) ;
- On range ainsi chaque individu dans une catégorie, dépendant du signe astral (la position du Soleil à la naissance) et de divers autres paramètres ;
- Ensuite, tout au long de la vie, la position des astres va jouer sur les actes de l’individu en fonction de ses affinités ou inimitiés astrales spécifiques ;
- Un astrologue n’a en fait jamais besoin de regarder le ciel : le thème astral est établi par ordinateur et les interprétations symboliques se passent d’observation.
Ainsi, quelqu’un né sous le signe du taureau, gouverné par la planète Vénus, serait-t-il gentil et obstiné, mais un brin dogmatique. La planète Vénus exercerait son influence dans les domaines tels que l’amour, le plaisir, les enfants, l’art et la richesse. À une date donnée, la position des planètes dans le ciel est censée déterminer le devenir de notre taureau.
Les prétentions
D’après les astrologues, les astres gouvernent notre vie ici-bas. Tous les domaines sont donc susceptibles de nécessiter la compétence d’un astrologue.
- On trouve partout des horoscopes qui nous donnent les tendances signe par signe pour la vie de tous les jours : amour, argent, chance, travail, voyages, etc.
- quand on va consulter un astrologue, on peut même espérer des informations précises sur la conduite à adopter : quel conjoint choisir, quand planter ses plantes, où partir en voyage, comment se conduire avec les collègues de travail, à quelle école mener le petit dernier, etc.
- dans le domaine professionnel, certains chefs d’entreprises se servent d’astrologues pour effectuer leurs recrutements et savoir quelles décisions prendre ;
- certains hommes politiques avouent avoir recours à l’astrologie pour gouverner. Les astrologues prétendent en effet prévoir le destin d’un pays, d’un accord de paix, d’un traité, d’une loi, en faisant leur thème astral comme pour un individu ;
- pour tout ce qui touche à la santé aussi, l’astrologie médicale a des solutions. Les planètes sont en effet associées aux parties du corps et la carte du ciel à un moment donné aide, selon les astrologues, à effectuer un diagnostic.
L’astrologie ne prétend pas tout savoir, mais presque. Rien de ce qui nous touche n’est étranger au ciel…
Les problèmes internes
La théorie astrologique a l’air claire et bien rodée. Elle comporte pourtant de gros écueils théoriques suffisant à la remettre en question.
- Du fait du phénomène de la précession des équinoxes, les constellations ne correspondent plus aux signes. Le signe des gémeaux correspond aujourd’hui à la constellation du taureau. Où est la correspondance symbolique ?
- les constellations, les planètes sont projetées sur une voûte céleste, reste du temps où l’on croyait que les étoiles étaient fixées sur des sphères. On sait aujourd’hui l’immensité du ciel ; doit-on prendre en compte la distance des astres ou pas ? Et leur luminosité ?
- malgré ses prétentions à tout savoir, l’astrologie n’est pas universelle. Il existe les astrologies chinoise, inca, maya, etc., qui ne disent pas toutes la même chose. Si l’astrologie est une science de prédiction, alors il faut choisir… Et puis allez donc consulter deux astrologues, pour voir s’ils sont d’accord ;
- de plus la théorie astrologique que nous connaissons garde la trace des civilisations qui lui ont donné naissance. Elle n’est pas faite pour tout le monde (dépend de l’hémisphère, n’est pas toujours applicable au-delà du cercle polaire) ;
- un symbole se fie aux apparences, et entre les apparences et la réalité il y a un monde. La planète Vénus, blanche et pure, représente pour les astrologues l’amour et la vie alors que Mars la rouge symbolise la guerre et la mort. Peu leur importe que Vénus soit un enfer à l’atmosphère irrespirable et aux températures extrêmes et que Mars soit au contraire pressentie pour abriter la vie…
- et évidemment, les astrologues seraient bien en peine d’expliquer précisément les mécanismes des influences astrales… heureusement qu’ils n’essayent même pas.
L’astrologie repose sur des bases moins solides qu’elle n’en a l’air. Mais cela n’a pas d’importance. Peu importe la théorie, tant que les résultats pratiques sont là… Voyons ce qu’il en est.
Évaluation des résultats
Pour prétendre être efficace, l’astrologie doit accepter de se plier à des vérifications. Or celles-ci ne sont pas toujours possibles, même avec des prédictions paraissant précises et datées.
La médiatique astrologue Élizabeth Teissier donne, dans « Votre Horoscope 2001 », un tableau de jours favorables à différentes actions comme la publication d’un livre, la performance sportive ou les voyages. Précis, en apparence. En pratique, comment évaluer les résultats ? Comment savoir si tel ou tel jour a été effectivement favorable à la parution d’un livre ? Impossible. Invérifiable. Cela n’empêche pas l’auteur de déclarer sans vergogne avoir 80% de réussite chaque année… puisqu’il suffit de l’affirmer.
Pour évaluer les prétentions des astrologues, la rigueur s’impose. Il faut :
- Définir le protocole expérimental avant l’expérience et s’y tenir ;
- Vérifier le caractère significatif des résultats obtenus ;
- Publier tous les résultats obtenus
Exemple de test rigoureux :
- On constitue un groupe de cent volontaires que l’astrologie indiffère ;
- On établit par ordinateur leur thème astral, que l’on donne à interpréter à une équipe d’astrologues ;
- On établit leur profil psychologique objectif ;
- On demande aux astrologues d’associer un profil psychologique objectif (à choisir parmi trois) au profil psychologique astrologique qu’ils ont réalisé.
Résultat : les astrologues n’identifient pas correctement le profil psychologique objectif (point 4. : 1/3 de réussite, comme le hasard).
Conclusion : les profils psychologiques établis à l’aide de l’astrologie ne correspondent pas à la réalité : échec de l’astrologie de naissance.
L’astrologie scientifique
Constatant l’échec de l’astrologie traditionnelle, certains ont voulu repartir sur des bases saines. Un seul outil : la statistique.
On veut savoir si oui ou non, les astres influent sur le cours de la vie d’un individu. Pour cela, on prend un échantillon très important de personnes exerçant le même métier, on établit leur thème astral et on recherche, dans la position des astres à leur naissance, s’il y a des points communs entre eux.
Dans les années 1950-1960, Michel Gauquelin a fait cette démarche avec les sportifs, entre autres. De ses premières expériences, il a conclu : « Face à la science, l’astrologie moderne, comme celle d’hier, reste une doctrine imaginaire. Prédire l’avenir en consultant les astres, c’est tromper le monde, ou bien se tromper soi-même. »
Mais il a aussi cru trouver un lien entre la position de la planète Mars et le devenir sportif. Cet effet, bien que très faible, a longtemps déconcerté le monde scientifique. Les astrologues, eux, se sont jetés dessus pour prétendre que l’astrologie était enfin prouvée scientifiquement ; ce faisant, ils oubliaient les premiers résultats de Gauquelin. On a fini par comprendre que l’échantillon de sportifs était trop petit et mal choisi, d’où un résultat qui n’est en fait qu’une erreur de manipulation. L’enseignement de tout ceci est que la statistique en astrologie requiert de grandes précautions.
À l’heure actuelle, après 4000 ans d’histoire prétendue de l’astrologie, on en est encore à chercher le plus petit effet qui viendrait confirmer les prétentions des astrologues… sans succès.
Et pourtant… ça marche ?
L’astrologie ne repose sur aucun fondement scientifique. L’astrologie classique ne résiste pas aux tests d’évaluation : inefficacité prédictive, incapacité à établir un profil psychologique dicté par les astres. Les tentatives de reconstruire l’astrologie en cherchant la réelle influence des astres sur la vie quotidienne se soldent par un échec. Et pourtant…
Pourtant, des millions de gens lisent chaque jour leur horoscope, pourtant des milliers de gens consultent des astrologues, pourtant des chefs d’entreprise y croient au point d’aller contre la loi en utilisant l’astrologie dans leurs décisions d’embauche.
L’astrologie se fait une place incontournable dans les médias parce qu’elle nous parle de nous. Même si ce qu’elle en dit tombe des nues et n’a aucune valeur prédictive, cela nous interpelle et nous séduit car on prend ce discours pour nous. Un horoscope bien fait peut convenir à tout le monde, est suffisamment vague pour correspondre à tous, et suffisamment agréable à entendre pour être accepté.
Un bon astrologue est avant tout fin psychologue et peut apporter réconfort à ceux qui traversent des moments difficiles. Ça, c’est le meilleur des cas. Dans le pire des cas, l’astrologie est une dépendance, qui appauvrit l’esprit et le portefeuille de ceux qui s’y adonnent.
Nombreux sont les astrologues qui revendiquent pour l’astrologie le statut de science (ou qui, ce qui revient au même, prétendent que « ça marche »). Ceux-là sont des charlatans : l’astrologie n’a aucune valeur dans ce qu’elle prédit. Ceux qui prétendent seulement réconforter ne sont pas nombreux, et doivent se placer toujours sur la frontière entre la duperie et le simple conseil d’ami.
À chacun de choisir… avec prudence et vigilance critique.
Stanislas Antczak