Journal de bord de l’observatoire zététique

Les lieux

Mauroux, dans le département du Lot, est un petit village de 400 habitants environ situé à 40 kilomètres de Cahors et à 150 kilomètres de Toulouse. On peut rapidement considérer que le village est constitué de deux quartiers : l’un, autour de l’église et jusqu’à la poste est plutôt calme. C’est dans cette partie que vivent les protagonistes de cette affaire. L’autre moitié du village comprend un café-restaurant, le « Rouge passion », la mairie et la salle des fêtes. C’est de ce côté qu’ont lieu les fêtes de village, repas de mariages, etc.

Les protagonistes
Les habitants du village
  • Martine et Christian – Parents de Kévin
  • Stéphanie (24 ans) – Fille aînée de Martine
  • Kévin (10 ans) – Fils de Martine et Christian
  • Michel Raids – Voisin belge de Martine et Christian
  • Thierry et Laurence – Couple recomposé, parents de Julien, Jérôme, Pierre, Ludovic et Vincent
La « belle famille »
  • Mère d’Ali – Conjoint de Martine et père de Dylan
  • Julien (17 ans), Jérôme (15 ans) et Pierre (13 ans) – Enfants de Thierry et Sophie (ex-femme)
  • Ludovic (15 ans) et Vincent (10 ans) – Enfants de Laurence
L’équipe de l’observatoire zététique
  • Christelle Charfoulault
  • Géraldine Fabre
  • Nicolas Gaillard
  • Anaïs Goffre
  • Florent Martin
  • Nicolas Vivant
Le contexte

Martine et Christian vivent dans le village depuis 5 ans. Ils vivaient auparavant à Noisy-le-Grand, en région parisienne. Kévin, leur fils, est le seul enfant qui ne fait pas partie de la fratrie « du bas du village ». Thierry et Laurence vivent, avec leur 5 enfants, dans le bas du village. Michel Raids, de nationalité belge, loue un appartement dans le village depuis plusieurs années. Les 6 garçons semblent être les seuls enfants du village. Ils passent le plus clair de leur temps à le parcourir à vive allure, en moto ou en mobylette, quand ils ne discutent pas, assis dans un coin. Selon les déclarations de Laurence, probablement caricaturales mais qui nous ont semblé significatives, la moitié des habitants sont au chômage, un quart sont retraités et le dernier quart « se débrouillent », vivant de petits boulots dans les alentours. L’ambiance est celle qu’on retrouve dans tous les villages de cette taille, avec ses avantages et ses inconvénients : commérages, convivialité, querelles de voisinage, solidarité…


11 août – SOS surnaturel ! Une dame blanche à Mauroux

16h30

Le 11 août dans l’après-midi, Nicolas Vivant, secrétaire de l’Observatoire Zététique, reçoit un appel téléphonique de Stéphanie Printemps, 24 ans. Elle a un problème et a trouvé les coordonnées de l’observatoire zététique sur internet. Elle lui expose les faits suivants :

Dans la nuit du 3 au 4 août 2008 vers 4 heures du matin, 4 enfants du village jouaient dans le village. A proximité de l’école, ils ont vu une personne étrange appuyée contre un arbre. Entièrement vêtue de blanc, elle leur a fait très peur quand elle s’est tournée vers eux et ils se sont enfuis. Ludovic a réalisé une vidéo avec son téléphone portable et l’a mise sur internet (Youtube). Les enfants la décrivent comme une « dame blanche ».

Dans la même semaine, et alors qu’ils étaient assis sur un trottoir, les enfants ont vu réapparaître la dame blanche à quelques dizaines de mètres d’eux, alors qu’elle sortait de derrière un arbre sur la place de l’église. Ils ont pu la filmer quelques secondes avant de s’enfuir après qu’elle ait tourné la tête dans leur direction.

Un peu plus tard et à une date incertaine, Kévin (10 ans), fils de Martine et frère de Stéphanie (24 ans), et Vincent (petit frère de Ludovic) sont tombés nez à nez avec la dame blanche et ont eu très peur. Ils ont hurlé et sont rentrés chez eux, chacun de leur côté.

Martine, Stéphanie et les enfants se sont rendus près de l’église dans la nuit du samedi 9 au dimanche 10 et ont vu la dame blanche. Elle est sortie du côté gauche de l’église et est restée près de l’angle du mur. Dès qu’elle voyait une voiture passer, elle se cachait derrière l’église. Il était autour de 23h45. Les enfants étant tétanisés et faisaient trop de bruit (ils parlaient fort), ils ont été raccompagnés. Martine et Stéphanie sont revenues sur les lieux autour de 0h10 et sont restées 1/4 d’heure/20 mins à une trentaine de mètres environ de l’église.

Stéphanie :

« Nous étions vraiment très près. Elle avait comme un drap blanc sur elle… on ne voyait pas son visage. A un moment, elle a relevé sa robe, on a vu ses jambes… elle avait comme un caleçon long noir (selon Martine) ou des os (selon Stéphanie). Elle était pieds nus. On avait l’impression qu’on pouvait la toucher mais quand elle levait son bouquet (dans les blanc/rose pale) c’était impossible. J’ai commencé à la filmer avec mon téléphone mais on ne voit quasiment rien sur la vidéo. Elle a fait 2 ou 3 pas dans notre direction et soudain toutes les lumières du village se sont éteintes pendant 5 secondes environ. Nous avons eu peur et nous sommes rentrées ».

Les témoins ont mis en place un protocole qui leur permet de communiquer avec l’apparition. Elles posent des questions et la dame blanche lève son bouquet pour répondre « oui » ou pour confirmer une proposition.

Stéphanie :

« D’après les enfants, qui ont fait des recherches sur internet, elle s’appelait Thérésa[1]… en fait pas du tout, nous lui avons demandé ».

Martine :

« Quand la lumière s’est éteinte, on a pris peur mais je ne la sens pas du tout mauvaise. Elle veut de l’aide. Elle a de la famille dans le coin et elle est très malheureuse. Elle fuit quand il y a de la lumière. »

Nous sommes le 11, Martine a le sentiment qu’elle doit impérativement y retourner ce soir à 11h (23h), sans savoir pourquoi.

Martine :

« Les premiers à l’avoir vue sont mon fils Kévin et des amis. Il m’a semblé entendre vaguement un grognement très lointain mais pas long, mais je ne pourrais pas l’affirmer. C’est Ludovic qui l’a filmée à 4h du matin. »

Nicolas Vivant vérifie sur l’annuaire que les identités, adresses et numéros de téléphone des deux témoins sont authentiques et informe les membres de l’association, par e-mail, de ce premier contact.


Notes
[1] 
Ce prénom est cité dans une vidéo de dame blanche célèbre sur internet et dont l’OZ a montré qu’il s’agissait d’un canular dans cet article.


12 août – Martine Dead

13h00

Martine et Stéphanie sont retournées sur place hier soir à 23h, comme prévu, et ont pu échanger pendant 5 minutes, au même endroit, près de l’église.

Stéphanie :

« Elle était d’abord face au mur puis s’est décalée face à nous. Elle se trouvait à 10 mètres environ. Elle serait morte à l’âge de 20 ans alors qu’elle était enceinte. Elle serait dans Mauroux depuis 50 ou 60 ans et ne veut pas quitter le village. »

 

Martine :

« Nous avons essayé de lui faire dire son nom. Nous récitions l’alphabet et elle levait son bouquet à la bonne lettre. Son prénom serait « Martine ». Son nom serait « Dead » mais à ce moment-là Stéphanie, effrayée, lisait l’alphabet trop vite et je ne suis pas sûre du nom. »

Questions/Réponses :

Est-ce toi qui a éteint les lumières du village ?
Oui.
Est-ce que c’était pour nous faire peur ?
Non.
Est-ce que c’était parce que tu ne pouvais pas t’approcher plus ?
Non.
Est-ce que c’était pour qu’on te voit mieux dans le noir ?
Oui.
Tu veux bien ne plus éteindre la lumière parce que ça nous fait peur ?
Oui.
Est-ce que tu as de la famille dans le village ?
Oui.
Est-ce que la façon de t’aider est de retrouver ta famille ?
Oui.
Ton mari est-il toujours vivant ?
Non.
As-tu des pouvoirs bénéfiques ?
Oui.
Peux-tu t’en servir sur des humains ?
Oui.
Est-ce que répondre à nos questions te fatigue ?
Non.
Tu te montres devant tout le monde ?
Non.
Te montreras-tu devant des scientifiques ?
Oui.
Veux-tu bien te montrer aux scientifiques en notre présence ?
Oui.
Y’a-t-il d’autre personnes comme toi à Mauroux ?
Non.
Es-tu la dame blanche ?
Oui.
Es-tu un fantôme ?
Non.

Les deux femmes renouvellent leur demande d’aide. Elles souhaitent aussi qu’on aide la dame blanche à retrouver sa famille. Nicolas Vivant explique que le phénomène est très intéressant parce qu’il se reproduit régulièrement. Il pense réunir une équipe qui se rendra sur place pour enquêter. Il confirmera le lendemain. Un nouvel e-mail est envoyé à l’association pour demander qui serait volontaire pour un déplacement à Mauroux.


13 août – L’OZ viendra

13h45

Hier soir, Martine, Stéphanie et Kévin se sont de nouveau rendues à l’église et ont vu la dame blanche. Stéphanie s’est d’abord rendue près de l’église avec sa belle-mère, mais elle semblait ne pas avoir particulièrement envie d’échanger. Un peu plus tôt, les enfants l’avaient vue glisser le long du mur vers l’école très rapidement.

Martine et Stéphanie sont retournées sur place. La dame blanche n’était pas là. Elles ont attendu environ 15 minutes et elle est apparue, sortant des buissons à droite de la porte de l’église (les autres fois, elle apparaissait du côté gauche).

Stéphanie :

« Elle s’est pendue pendant la guerre. Son mari est mort avant elle. Elle n’a pas de frère ni de soeur, seulement un oncle. Je ne sais pas pourquoi, je l’imaginais blonde aux yeux bleus. Je lui ai posé la question et, toujours à l’aide de son bouquet, elle m’a répondu que oui. »

D’autres personnes (Thierry et Laurence, parents des enfants, et Michel Raids, un voisin belge), sont aussi venues la voir pendant ce temps.

Questions/Réponses :

La personne t’a dérangée ? (au sujet du voisin)
Oui.
As-tu peur que cette personne te fasse du mal ?
Oui.
Comme tu me l’as demandé, j’ai fait appel à des scientifiques. Ils vont venir. Accepteras-tu de te montrer à eux ?
Non.
As-tu peur que ces gens se servent de toi à des fins commerciales ?
Oui.
Des personnes sont venues te voir en cachette ?
Oui.
As-tu vu d’autres dames blanches ailleurs ?
Oui.

Nicolas Vivant confirme que l’Observatoire Zététique se déplacera bien à Mauroux pour enquêter. Le départ est prévu pour le lendemain matin. Martine essaiera de se renseigner pour trouver un hébergement.

19h00

Martine n’a pas trouvé d’hébergement. Finalement, Nicolas Vivant fait une réservation à l’hôtel Kyriad de Fumel, ville située à une dizaine de kilomètres de Mauroux. Il explique que l’équipe devrait se trouver sur les lieux autour de 19h. On convient de se contacter par téléphone dès notre arrivée et de se rencontrer dans l’unique café-restaurant du village.


14 août – Le village

10h30-19h30

Départ de l’équipe à 10h30 (Christelle Charfoulault, Géraldine Fabre, Florent Martin, Nicolas Vivant), rejointe à Montélimar par Nicolas Gaillard. Anaïs Goffre, en vacances dans le Lot, nous rejoindra directement à Mauroux. Pendant le trajet, l’équipe discute longuement des hypothèses et de leur vraisemblance. Méprise ? Canular ? Apparition fantomatique ? Les différentes possibilités sont soupesées et chacun donne son avis.

Arrivés à l’hôtel de Fumel vers 18h30, nous déposons nos affaires et nous rendons directement à Mauroux. Sur le parking du café-restaurant, Anaïs vient d’arriver. Nous contactons Martine et Stéphanie. Il est 19h30.

19h30-20h30

Martine et Stéphanie nous rejoignent avec Kévin, 10 ans, le fils de Martine. Chacun se présente avant un rappel rapide des évènements qui se sont produits dans le village. Stéphanie montre les vidéos qu’elle a faites sur son portable, et se renseigne sur le matériel que nous avons pour traiter l’image. Une caméra ? Avec vision de nuit ? Appareil photo avec un zoom ?

Stéphanie note « des choses qui ne collent pas ». Pourquoi « Dead » et « Martine » ? C’est bizarre. Pour les dates ça ne va pas. « Elle serait morte il y a plus de 50 ans et moins de 60 ans, se serait pendue en étant enceinte, son mari serait mort avant elle pendant la seconde guerre mondiale. Si on calcule ça ne va pas … » Martine note des incohérences, mais l’extinction des lumières du village l’a énormément impressionnée. Elle a eu très peur, d’autant plus qu’elle n’a pas pu fuir rapidement, sa mère se déplaçant tout doucement. Elle nous donne aussi des précisions notamment sur la taille de la Dame blanche : entre 1,70 et 1,80 m.

Martine propose de rencontrer les enfants qui ont vu la dame blanche. Première rencontre avec tous les garçons, devant chez leurs parents.Qui a mis la vidéo en ligne ?
Julien : « Moi ».
Qui l’a filmée ?
Ludovic : « Moi ».
Qui était présent, lors de la vidéo ?
4 garçons lèvent la main.
Vous avez vu quoi ? (ils parlent tous ensemble)
« Une dame toute blanche avec un bouquet tout blanc, bouquet avec des rubans. On était dehors, on se filmait pour rigoler, on aime bien ça, et y en a un qui a vu quelque chose. Une dame était assise contre l’arbre, on l’a appelée, elle a tourné la tête. On a eu peur et on est rentré chez nous. On a fait des recherches sur Internet sur des phénomènes comme ça, et puis on a mis la vidéo sur Youtube juste après. »
Vous l’avez dit à vos parents ?
« Oui, le lendemain, on l’a dit à Kévin, qui nous a pas cru, puis il a vu et il l’a dit à sa mère. »
Qu’est-ce qui vous a fait peur ?
« C’était bizarre, ça faisait flipper. »
Mais qu’est-ce qui faisait flipper ? Qu’est-ce que vous avez vu qui vous a fait penser à quelque chose de bizarre ?
« Ben, c’était bizarre, tout blanc avec un bouquet, on voit pas ça tous les jours. »
Dans la discussion, un enfant évoque la ressemblance du visage avec un masque.
Qui est-ce qui a parlé d’un masque ?
Kévin : « Moi ».
NV : « Alors, c’est toi qui l’a vue au coin de la grille, tout près »
Vincent : « Oui avec moi, Kévin et moi »
NV : « T’as vu quoi alors ? Qu’est-ce qui te fait dire que c’était un masque ? »
Kévin : « J’sais pas c’était bizarre, tout blanc, ça a duré une seconde, quand on voit un truc comme ça, ça fait flipper. J’ai hurlé et je suis rentré à toute vitesse chez moi ». « Je vais chercher un pull … »
NV : « Ok, on reviendra pour vous enregistrer, vous nous direz ce que vous avez vu, si vous êtes d’accord »

Avant que la nuit tombe, nous décidons d’aller visiter les lieux où les apparitions ont lieu, à proximité de l’église du village. Nous faisons le tour du monument et remarquons une sorte de cabane réalisée par les enfants sur le coin gauche de l’église. Un petit banc, une chaise à l’assise de paille défoncée, des crochets visiblement récents sur les branches de l’arbre qui recouvre l’abri. Nous demandons des détails sur les lieux exacts des différentes apparitions et réalisons des photos avant de nous séparer de Martine, Stéphanie et Kévin. Elles s’excusent pour les conditions qui ne seront peut-être pas favorables : ce soir, c’est la fête de la bière au village, il va y avoir du bruit et du monde. Elle ne se montrera peut-être pas. Nous décidons de nous retrouver au monument aux morts, à une centaine de mètres de l’église, autour de 22h15.

20h30-21h15

Effectivement, le village est en fête. Il y a beaucoup de monde, de bruit et d’animation. Nous mangeons rapidement sur les lieux de la fête et élaborons une première stratégie en tenant compte des exigences et crainte de Stéphanie exprimées plus tôt au restaurant (« ce n’est pas une bête de foire », « il faut être respectueux », « vous ne pouvez pas tous venir », « il ne faut pas chercher à la voir en cachette » …). Une voiture, garée aussi discrètement que possible sur la place de l’église, nous sert de point d’observation. Nous y plaçons une caméra et un appareil photo. Florent y prendra place et communiquera avec le reste de l’équipe à l’aide d’un talkie walkie. Nicolas V. avait déjà constaté l’appropriation du phénomène par Stéphanie lors des échanges téléphoniques préalables à notre venue. Elle souhaitait visiblement avoir une maîtrise et un contrôle sur le déroulement de notre investigation. Au restaurant, Stéphanie a choisi Anaïs pour les accompagner, elle et sa mère, le soir même. Florent, depuis la voiture, préviendra le reste de l’équipe s’il aperçoit quelque chose. Deux zététiciens (Nicolas V. et Nicolas G.) se rendront alors immédiatement derrière l’église en contournant le village pour pouvoir intercepter la « dame blanche » s’il s’agit bien d’un canular et que son auteur décide de s’enfuir par derrière. Les autres membres de l’équipe couvriront une possible fuite par la place.

21h15-23h30

Nous rejoignons Martine, Stéphanie et Kévin, devant le monument aux morts. Il fait frais, mais nous sommes prêts à consacrer le temps qu’il faudra à cette première soirée d’observation. Assis sur les bacs à fleurs du monument, nous expliquons à Stéphanie et Martine que nous aimerions, dans un premier temps, assister à la venue de la dame blanche.

Première visite à l’église autour de 22h00. Au bout d’un quart d’heure, Florent, installé dans la voiture sur la place, appelle le portable de Nicolas V. et prévient l’équipe du monument aux morts qu’il entend Stéphanie parler à quelqu’un. Les deux Nicolas se précipitent derrière l’église, comme prévu. Christelle et Géraldine rejoignent le coin de la place de l’église ; elles n’entendent rien mais voient Anaïs assise par terre.
Fausse alerte : en fait, Stéphanie parlait simplement à voix haute pour inviter la dame blanche à se montrer. Rassurante, elle lui expliquait qui nous étions et que nous ne lui voulions aucun mal. Mais la dame blanche ne se montre pas. Les trois femmes reviennent. Martine et Stéphanie nous assurent qu’ « elle est là », elles le sentent. L’animation et le bruit causés par la fête sont avancées comme cause possible de la non-apparition. Nous sommes attentifs à toutes les personnes présentes et remarquons en particulier un jeune, assez grand, à la chevelure fournie, qui porte un sac à dos…

Deuxième visite. Martine étant partie chez elle nous chercher une bouteille d’eau et un thermos de café, Stéphanie et Anaïs partent en direction de l’église. Au moment précis où les deux femmes tournent au coin de la rue, les lumières du quartier (soit à peu près la moitié du village), s’éteignent soudainement, nous plongeant dans le noir pendant un dizaine de secondes. Nous sommes surpris, Stéphanie et Anaïs sont impressionnées. Stéphanie nous explique qu’elle avait demandé à la dame blanche d’éteindre les lumières si elle se sentait dérangée. Elle ne nous en avait pas parlé auparavant. Nicolas V. demande à Stéphanie si elle sait où se trouve le capteur de luminosité qui gère l’allumage et l’extinction de l’éclairage public. Elle l’ignore, Kévin aussi. Nicolas V. explique qu’une voiture éclairant le capteur pourrait être à l’origine de l’extinction de l’éclairage. Mais Stéphanie affirme qu’elle n’a entendu aucune voiture à ce moment-là.

Florent nous rejoint. Nous buvons un café en réfléchissant à la suite des évènements. Les passages auprès de l’église sont nombreux (passant, curieux, gamins en mobylette, …). Les enfants ne semblent ni inquiets ni intéressés par ce que nous faisons. Ils semblent parfaitement sereins et tournent, comme d’habitude, dans le village avec leurs mobylettes. Étonnant. Martine et Kévin, fatigués, rentrent se coucher. Stéphanie reste avec nous pour tenter un nouveau contact plus tard dans la nuit. Cindy a beaucoup parlé de cette histoire ces derniers jours. Des membres de sa belle-famille tournent également autour de l’église pour voir la Dame Blanche, et cela l’agace : « heureusement, ils n’ont rien vu ».

23h30-02h00

Troisième essai : tout le monde se rend au lieu d’observatoire de l’apparition, au coin du foyer du troisième âge. Nicolas V., toujours titillé par l’extinction de l’éclairage public, veut partir à la recherche d’un éventuel capteur. Christelle et Kévin se manifestent pour l’accompagner. Kévin sait où se trouvent des boîtiers électriques et veut bien les montrer. Nous passons vers le monument aux morts et descendons vers la sortie du village, inspectant en chemin les boîtiers électriques le long des façades. Un transformateur, sur lequel on peut observer une sorte de vitre rectangulaire, en contrebas du village et au bord de la route principale, pourrait abriter le capteur. Mais un éclairage prolongé à l’aide d’une torche ne donne rien. Retour vers la place par l’arrière de l’église. Nous éclairons tous les coins et recoins. Sur le côté droit de l’église, on repère un compteur. Nicolas V. va le voir de plus près. Stéphanie, restée devant l’église, réagit : « Exactement ce qu’il ne faut pas faire ». On rejoint le groupe, des discussions sont en cours car quelque chose a été vu sur le côté gauche de l’église, « comme une lumière ». Mystère immédiatement résolu : nous avons éclairé par l’arrière le mince couloir qui longe le côté gauche de l’église. Très sensible, Stéphanie demande aux autres de confirmer chacun de ses ressentis.

L’équipe se rend aussi à proximité de l’arbre où la vidéo originale a été filmée par les enfants. Une chose nous semble bizarre : de nuit, l’éclairage public est suffisant pour qu’à la distance à laquelle se trouvaient les enfants des détails précis soient visibles. Or, ce qu’il raconte correspond à ce qu’on peut voir sur la vidéo, ni plus ni moins.

Retour au monument aux morts. Stéphanie reproche à Nicolas V. d’avoir dérangé la dame blanche.
Celui-ci fait remarquer que les passages sont nombreux et bruyants autour de l’église. « Oui mais ce sont des enfants, ils sont sains », lui répond Stéphanie. Elle trouve également que le point d’observation dans la voiture est gênant, que les talkies-walkies font trop de bruit. Elle oppose plusieurs remarques à notre stratégie, qu’il va falloir prendre en compte a minima.

Vers 2h00 du matin, nous nous séparons (Stéphanie, angoissée, dormira chez sa mère comme chaque soir consacré à l’observation la dame blanche). A la sortie du village, nous éclairons le transformateur électrique avec les phares de la voiture. Au bout d’une quinzaine de secondes, le quartier se retrouve plongé dans le noir. Nous continuons notre route et au bout d’une quinzaine de secondes, les lumières sont de nouveaux allumées. Nous faisons demi-tour et renouvelons l’expérience : de nouveau, les lampadaires s’éteignent… et se rallument à notre départ. Nous avons trouvé la cause probable des extinctions aléatoires de l’éclairage public : une ou plusieurs voitures peuvent, en passant ou en cherchant leur route à proximité du rond-point le plus fréquenté du village, éclairer le capteur de telle sorte que le phénomène se produit.

Nous nous retrouvons à l’hôtel autour de 2h15 et faisons un rapide debriefing. D’abord, la vidéo. L’équipe penche pour un canular réalisé par les enfants du village. Le comportement de Martine et sa présentation nous font envisager la possibilité de troubles de la perception liée à un traitement médicamenteux, et peut-être amplifiés par le fait de fixer un point particulier dans le noir. Mais alors, que voit Stéphanie ? Et puis il y a d’autres témoins extérieurs : Christian, les parents des jeunes, le voisin (le belge), et la « belle famille ». Ont-ils vu quelque chose ? La même chose que ce qui est sur la vidéo ?


15 août – Du café, des gaufres et des interviews

11h30-12h30

Visite du cimetière de Fumel où la dame blanche serait, selon nos contacts, enterrée. Nous sommes à la recherche d’une tombe au nom de Martine Dead (!) qui serait morte à environ 20 ans pendant la 2nd guerre mondiale. Nous nous éparpillons dans le cimetière et parcourons les allées. Nous mesurons l’ampleur de la tâche. La plupart des tombes n’indiquent qu’un nom de famille, et nous ne trouvons aucun  « Dead ».

Retour à l’hôtel pour récupérer la caméra qui était en chargement, puis départ pour Mauroux pour déjeuner. Petit arrêt au compteur en bas du village, pour découvrir précisément l’emplacement du capteur de l’éclairage public. Nous découvrons qu’il s’agit d’une petite cellule placée en haut à droite du transformateur. Nous la recouvrons d’un pull et le village s’allume en plein jour. Le capteur est non seulement facilement accessible, mais une voiture qui cherche son chemin ou une succession de voitures peuvent très probablement éteindre les lumières de la commune.

Le seul restaurant local est fermé à midi. Nous réservons pour le soir même et partons en direction de Tournon sur Agenais, à 8 kms.

13h30-15h30

Repas à l’hôtel-restaurant des Voyageurs, en face de la gendarmerie. Une stratégie est établie pour l’après-midi : interview des enfants, de Martine, de Stéphanie, de Kévin, des parents ayant observés le phénomène, et du voisin belge, si possible. Nous pensons que les interviews doivent être faites par trois personnes au maximum.

15h30-16h30

Retour à Mauroux. Stéphanie, la fille, est à Cahors pour récupérer sa voiture. Martine, sa mère, se repose. Julien, Pierre et Kévin sont en bas de chez Kévin. Nous les interrogeons rapidement. Ils ne pensent pas qu’il puisse s’agir d’un canular, nous affirment qu’ils le sauraient. Il est clair qu’ils connaissent la vidéo de « thérésa », court-métrage d’un réalisateur portugais sur lequel Nicolas Vivant a écrit un article. Ils ne l’ont pas découverte en faisant des recherches après « l’apparition ». Julien explique qu’il l’a vue il y a un mois environ.

16h30-18h45

Martine nous invite à boire le café et à manger des gaufres chez elle. Nous enregistrons les récits des différentes observations de la dame blanche (à noter qu’il y aura de nombreuses digressions tout au long de la récolte d’informations).

Martine, Stéphanie, Kévin et Christian. Dylan (3 ans), fils de Stéphanie joue dans la pièce.
Ils disent tous les 4 avoir vu quelque chose, en y accordant une importance variable, et une connotation « surnaturelle » différente. Christian se montre le plus réservé, Stéphanie est très impliquée et ne doute pas de l’hypothèse surnaturelle, Martine relit avec application les notes qu’elle a prises, sans défendre ses propos lorsque sa fille et son fils la contredisent. Kévin ne nous semble pas être complice d’un éventuel canular, il s’affaire à la préparation de gaufres, son témoignage sur l’apparition au niveau de la grille est très court. Nous avons confirmation que Martine est actuellement sous traitement, qu’elle a déjà vécu des choses étranges (aiguilles à tricoter qui traversent la pièce lorsqu’elle avait 20 ans, apparition d’un « cavalier sans tête » plus tard), qu’elle a été hospitalisée, qu’elle est fatigable, qu’elle a eu une période où elle tirait les tarots, etc. Stéphanie souligne le caractère fragile de sa mère. Le fait que la dame blanche se nomme « Martine » comme sa mère et « Dead » comme « mort » l’inquiète et en même temps la questionne : « il y a quelque chose qui n’est pas clair ».

Arrivée de Ludovic (15 ans) et Vincent (10 ans) :
Présentation identique que les fois précédentes sur la dame blanche. Tout cela reste un peu vague et ils expliquent leur apparente sérénité à se déplacer le soir par : « Martine, elle a dit qu’elle était pas méchante, alors on a pas peur. ». Ludovic blêmit quand Florent avec un grand sérieux lui dit que la semaine prochaine TF1 va sûrement investir le village. Christelle fait remarquer que Kévin répond et explique à la place de Vincent un événement, auquel il n’a pas assisté. Nous notons que Vincent, quand il raconte, cherche souvent, du regard, l’approbation de Martine. Nous sommes plusieurs à être surpris par l’apparente désinvolture des gamins : très vite ils se détournent de la conversation et se concentrent sur un jeu informatique.

Arrivée de Thierry et Laurence (parents des enfants) :
L’environnement familial des protagonistes va s’éclaircir. Thierry dit qu’effectivement il a vu une forme à côté de l’église. Comme pour d’autre la description passe par « ça fait comme si c’était quelqu’un avec un drap sur lui ». La désinvolture de ces parents nous interpelle tous. Ils ne sont pas inquiets pour leurs enfants, ils ont vu la vidéo, ils sont bien contents que les gamins ne soient pas venus les réveiller en pleine nuit pour cela. Ils se moquent complètement d’avoir une explication au phénomène. Ils se présentent comme des sceptiques. Ils sont allés sur place « pour se foutre de la gueule de Martine ». Pourquoi ne se sont-ils pas approchés, si ce sont des conneries ? Thierry dit qu’il ne sait pas trop, mais qu’en même temps il ne voulait pas faire le rambo.

La collecte des infos se fait dans une ambiance bonne enfant, avec des détours sur les passions des uns et des autres. Thierry, par exemple, se passionne pour le western, la country et la musique cajun. Nicolas V. lui parle du festival « Sur la route de Tullin » et lui propose de l’héberger s’il souhaite s’y rendre.

Les liens entre les protagonistes deviennent bien plus clairs après cette fin d’après-midi. Deux familles sont concernées de façon évidente, seul Michel Raids, le voisin belge, n’a pas de lien de parenté avec la famille de Martine ou la famille de Thierry et Laurence.

19h15-22h00

Dîner dans le restaurant du village et débriefing : comment présenter à Stéphanie le caractère non exceptionnel de l’extinction du village ? Après un débat sur l’utilisation éventuelle d’une technique de mystification/démystification (se rendre avec Stéphanie sur le lieu des observations et procéder à une extinction par nos soins), nous décidons de lui montrer simplement comment cela peut se produire.

Nous avons rendez-vous à 23h00 avec Martine. Stéphanie est censée arriver à 23h30. Comme la veille, nous faisons un plan en attendant : Géraldine et Anaïs se rendront sur les lieux de l’apparition, face à l’église, avec Stéphanie et Martine. Elles préviendront le reste de l’équipe avec un portable. L’objectif est toujours d’occuper les différents points par lesquels un éventuel plaisantin pourrait s’enfuir et de l’intercepter, le cas échéant.

23h00-00h00

Stéphanie prévient qu’elle sera en retard au rendez-vous. Nous attendons sur le parking du restaurant en peaufinant notre plan. Quand Stéphanie arrive, autour de minuit, nous nous rendons à notre traditionnel point de ralliement (et d’attente) : le monument aux morts. Nous apprenons que Martine ne sera pas avec nous ce soir. Elle est trop fatiguée, ce que nous comprenons. On se passera d’elle tout en souhaitant sa présence pour le lendemain. Kévin, 10 ans, est avec nous.

00h00-02h00

Nous exposons notre plan à Stéphanie. Nous lui exposons aussi le fruit de plusieurs de nos réflexions :
L’élément commun aux apparitions est sa mère et non elle ;
la présence de sceptiques n’empêche pas d’observer le phénomène (apparition devant les parents des 5 garçons et devant la belle-famille de Stéphanie) ;
le fait que la dame blanche soit gênée ou non par une présence n’interfère pas sur son apparition (exemple : la venue du voisin belge. La dame blanche affirme que sa présence la gêne, mais elle reste visible).

L’objectif est de reprendre la main sur le déroulement d’observations pendant lesquelles Stéphanie se sent « missionnée », avec un rôle central. Ce positionnement limite notre marge de manœuvre, notre but étant d’intercepter et d’identifier, si possible, la dame blanche.

Stéphanie, Anaïs et Géraldine partent en direction de l’église et nous nous installons à proximité. Pour Anaïs et Géraldine, cet accompagnement n’est pas simple. Stéphanie est insistante et les sollicite souvent pour qu’elles confirment ses propres ressentis concernant ce qu’elle voit et ressent. Pendant les 20 minutes d’attente, Nicolas G. prend Kévin à part et lui explique, avec tout le tact qui s’impose que, s’il sait quelque chose, il faut qu’il nous le dise maintenant. Il semble ne rien savoir.

Retour des filles : elles n’ont rien vu. Nous retournons au monument aux morts pour nous poser et discuter. A leur retour, nous demandons à Stéphanie d’envisager l’hypothèse d’un canular. Quelqu’un a-t-il un intérêt à s’amuser à faire peur à votre mère ? Stéphanie explique qu’une semaine auparavant une voisine a porté plainte contre ses parents pour nuisance, à cause du chien qui aboie trop fort et de Kévin qui fait trop de bruit avec sa moto. La voisine trouve leur présence insupportable. Elle se plaint régulièrement depuis l’arrivée de Martine, Christian et Kévin. Stéphanie envisage l’hypothèse d’un canular comme probable, mais fluctue dans son opinion, et glisse aussi vers une hypothèse mettant en scène un « psychopathe » qui traînerait dans le village. La charge émotive de cette histoire est palpable chez elle. Elle formule assez facilement ce sentiment de peur et d’angoisse qui l’empêche de rentrer seule, le soir, en voiture.

L’activité dans le village est calme. Vers 01h00, alors que Stéphanie est allée voir sa mère, un homme arrive en voiture et s’arrête à notre gauche, au beau milieu de la place du Michelhé. Il est plutôt grand, habillé en tenue médiévale avec un capuchon et un caleçon. Son attitude nous semble étrange. Nous l’observons. C’est le voisin de Martine et il a assisté en leur compagnie, une fois, à l’apparition de la dame blanche. Stéphanie, sortant de chez Martine, l’invite à nous rejoindre. Après les présentations d’usage et des précisions qu’il souhaite avoir nous concernant et concernant nos motivations, il nous raconte, en conteur compétent, ce qu’il a observé ce soir-là. Le témoignage fait référence, une fois de plus, à une dame blanche telle que la vision populaire la présente habituellement. Il nous informe d’emblée qu’il croit en l’hypothèse surnaturelle de la dame blanche, il note qu’elle n’émet pas de lumière à proprement parler mais qu’elle est, selon ses termes, « luminescente ». Il insiste sur le positionnement « neutre » qu’il a observé tout au long de l’échange entre Martine, Stéphanie et la dame blanche.

Vers 1h30, Stéphanie et Géraldine retournent près de l’église. Pendant ce temps Michel Raids donne des précisions sur les tensions actuelles entre Martine et sa logeuse, qui a donc porté plainte contre Martine et son mari. Comme à son habitude, Stéphanie interpelle la dame blanche et lui demande d’apparaître, mais en vain. Géraldine filme l’obscurité. Elles ne voient rien de particulier, mais reviennent car un grand silence s’est soudainement installé sur la place de l’église. Les pigeons, présents en grand nombre dans le clocher, ne font plus aucun bruit. Stéphanie a peur. Géraldine remarque aussi cet étrange silence. A leur retour, nous décidons de rentrer nous coucher. Kévin nous a précédés de plus d’une heure. Stéphanie préfère reporter la démonstration d’extinction de l’éclairage public au lendemain. Nous sommes tous fatigués.

Lors du débriefing de retour, chacun fait état de l’évolution de ses différentes hypothèses. L’idée que, suite à ce que les enfants ont vu le premier soir, Stéphanie et Martine, dont nous avons pu éprouver la fragilité, se soient mutuellement montées la tête, fait son chemin. L’hypothèse d’un canular pour ce qui concerne les apparitions au niveau de l’église nous semble un peu moins probable, sans pour autant que nous y renoncions.


16 août – Coups de théâtre et douche froide

11h00-13h00

Levé tardif. La fatigue commence à s’accumuler (nous nous sommes déjà couchés trois fois à 3h du matin et nous nous attendons à une nuit qui pourrait être longue. Au bar, Nicolas V. rédige le compte-rendu de la deuxième journée, pendant que Florent essaie de voir s’il peut tirer quelque chose des 4 vidéos que nous avons récupérées auprès des enfants et de Stéphanie. Rien de véritablement parlant ne ressort de ces documents, mais Florent est convaincu qu’il ne s’agit pas d’une illusion et que « quelque chose » apparaît bien près de l’église.

12h30-14h00

Nous déjeunons à l’hôtel et faisons le point sur les avancées de l’enquête. Nous essayons de soupeser les différentes hypothèses. Nous sommes tous à peu près convaincus que la vidéo des enfants est un canular. Mais quid des apparitions à l’église ? Les deux femmes, les enfants, le voisin, ont-ils vraiment vus quelque chose où sommes-nous en présence d’un phénomène de paréidolie et de suggestion de groupe ? Nicolas G. et Christelle, les deux personnes de l’équipe qui sont les plus compétentes en ce qui concerne la psychologie et les techniques d’entretien, expriment leur regret que ceux-ci ne soient pas mieux préparés, structurés, avec un vrai canevas et des objectifs à atteindre. La critique est pertinente mais Nicolas V. déclare qu’on ne peut pas se satisfaire d’un simple constat, que l’enquête n’est pas terminée et qu’il serait bon que Christelle et Nicolas G. prennent les choses en main de ce point de vue là. On décide d’interviewer, en fin d’après-midi les trois enfants les plus âgés du groupe (constitué de 6 garçons) : Julien (17 ans), Jérôme (15 ans) et Pierre (13 ans).

14h00-17h00

Visite du château de Bonaguil, réputé être un des plus beaux châteaux forts de France. Pendant la visite, Christelle s’isole un moment et réalise ce qui pourrait être un canevas pour les entretiens à venir. Anaïs et Nicolas G. font part de leurs remarques. Christelle présente le résultat de son travail dans la voiture, alors que nous sommes en route pour le village :
Prénom, âge ?
Récit avec date ?
Impressions ressenties (crainte, retour sur les lieux de jour pour chercher quelque chose …) ?
Pourquoi mettre la vidéo sur le Web ? Quand l’as-tu fait ?
Comment et quand as-tu raconté l’apparition à Kévin ? (lui as-tu raconté ou montré la vidéo ?)
Qu’as-tu pensé quand Martine et Stéphanie se sont rendues sur place ?
Qu’as-tu pensé quand Martine et Stéphanie ont vu quelque chose ?
C’est un phénomène impressionnant, pourquoi n’as-tu pas peur ?
Qu’est-ce que tu as pensé, quand tu as su que nous venions à Mauroux ?
Evaluation personnel sur une échelle de 1 à 10, de peu probable à certain, de la cause du phénomène, lors de chacune des apparitions. Je te propose cinq options :
Surnaturel
Canular
Prouesse technique (trucage)
Illusion d’optique
Quelqu’un de réel.
Nous avons remarqué qu’il y avait une chaise, une petite installation au coin de l’église, tu sais qui l’a faite ? Tu as remarqué les crochets sur l’arbre ? A quoi servent-ils ?
Pour la lumière et pour les apparitions à l’église, l’explication peut être très simple ; mais pour la vidéo tu es un témoin direct, qu’est-ce tu peux nous en dire ? Tu as sûrement des éléments de la solution ?
Qu’est-ce que tu penses si les journalistes viennent à Mauroux ?

Stéphanie a essayé de nous joindre. Elle propose que nous nous retrouvions à 22h15 au monument aux morts et confirme que Martine sera bien présente ce soir.

17h30-19h30

Christelle et Nicolas G., épaulés par Florent pour la partie technique des enregistrements, réalisent des entretiens avec les 3 enfants les plus âgés. En fonction des réponses, des précisions sont demandées. Pendant ce temps, Nicolas V., Anaïs et Géraldine vérifient qu’une voiture qui passe près du capteur en bas du village ne peut pas être entendue depuis la place de l’église. Ensuite, Anaïs et Géraldine vont visiter le cimetière du village pendant que Nicolas V. discute avec Kévin et traîne dans le village.

Autour de 19h, Nicolas G., Christelle et Florent reviennent de leur série d’entretiens et nous font un compte-rendu de ce qui leur a semblé notable dans l’échange avec les trois garçons :
similitude des descriptions de la dame blanche, avec les mêmes mots (cheveux en pétard, tout en blanc, avec un bouquet, yeux marrons) ;
de loin comme de près, ils sont formels sur le fait que ce qu’on observe sur la vidéo correspond bien à ce qu’ils ont pu apercevoir lors des apparitions à l’église ;
les garçons ne donnent pas les mêmes horaires pour l’apparition du premier phénomène, ni pour la mise en ligne de la vidéo. Ayant constaté que la vidéo avait été placée sur Youtube vers 2h10 du matin, nous savons qu’elle n’a pas été filmée vers 4h du matin. Leurs déclarations le confirment ;
la notation des hypothèses est surprenante. Jérôme et Julien notent au même niveau l’hypothèse « surnaturel » et « quelqu’un de réel », alors que le canular a un score très faible.
C’est lors de l’interview de Pierre que le plus d’éléments surprenants sont apportés : il nous dit que Kévin a été prévenu le soir même de la vidéo et qu’un témoin extérieur les a vus quand ils filmaient la dame blanche au pied de l’arbre : une dame qui habite au-dessus de l’épicerie.

Sur le chemin du retour, Nicolas G., Christelle et Florent ont aperçu la dame à sa fenêtre. Nicolas G. l’a interrogée.

Elle a bien vu des gamins qui jouaient avec un téléphone portable et une petite lumière bleue. Ils étaient 4, semblaient ensemble et pas du tout effrayés. Un d’eux était habillé en blanc, avec une capuche, et s’est assis au pied de l’arbre. Elle n’a pas vu s’il s’agissait d’une fille ou d’un garçon, car elle n’avait pas ses lunettes. Ils sont resté 30 à 45 minutes en bas de chez elle. Elle ne les a pas reconnus, mais ils sont partis en même temps, tranquillement.

Nicolas G. lui a demandé si elle voulait bien qu’on enregistre son témoignage un peu plus tard dans la soirée et elle a accepté sans problème.

La solution du mystère nous semble enfin à portée de main. Nous partons dîner dans un village proche.

19h45-21h00

Repas au « restaurant des deux lacs ». Nous sommes convaincus de tenir la preuve que la vidéo est bien un montage des enfants. Mais des aveux nous seraient bien utiles.

21h15-23h30

Retour à Mauroux. Nous avons peu de temps avant l’arrivée de Martine et Stéphanie. Florent et Nicolas G. partent directement interroger Marie-Thérèse, notre témoin du premier soir. Elle confirme ses propos et, quand nous lui indiquons que nous savons qui étaient les enfants présents de soir-là, elle les nomme finalement. Le seul qui n’est pas nommé est Julien, l’aîné des enfants. Nous en déduisons qu’il est probablement « la personne en blanc ».

Nous avons rendez-vous à 22h15 avec Stéphanie et Martine, Kévin est présent. Sur la base de notre plan de la veille, Martine, Géraldine et Anaïs se rendent à l’église. Stéphanie, Kévin et les autres membres de l’équipe attendent, sur la place du Michelhé. Kévin nous apprend que Ludovic est seul à la maison : le reste de la famille est invité à dîner à l’extérieur du village. Christelle et Nicolas V. décident de profiter de cette opportunité pour le questionner. Lors des entretiens, Ludovic nous est apparu comme le plus sensible des garçons, et donc le plus facile à interroger dans l’objectif d’obtenir d’éventuels aveux. Nous nous rendons chez lui.

« Salut Ludovic on peut te parler ?
Oui, je mets mes chaussures.

Nous nous asseyons dans les escaliers, à côté de la maison.

Nous avons besoin de ton aide. Le soir où vous avez fait la vidéo, vous avez été vus. Nous avons interrogé la dame au-dessus de l’épicerie et elle nous a tout raconté. Bravo, il a fallu trois jours pour trouver la solution. Mais pour l’église, vous avez fait comment ?

En fait au départ c’était pour faire peur à Pierre qui voulait dormir dans le hamac. On a fait un déguisement de dame blanche. On a pris un drap, un masque et un faux bouquet et on lui a fait peur en tapant avec le bouquet comme ça. Ensuite, on a fait la vidéo. Après, pour rigoler, on a recommencé près de l’église et Kévin nous a vus et il l’a dit à sa mère.

Pourquoi près de l’église ?

Ben c’est là qu’il y a les mariages, alors…

Kévin le sait ?

Oui.

Et vous l’avez dit à vos parents ?

Oui.

A quel moment vous leur avez dit ?

Tout de suite, on leur a montré la vidéo et on leur a dit.

Tu comprends bien que nous allons être obligés de tout raconter à Stéphanie et Martine. Nous sommes venus ici pour cela et elles ont vraiment peur.

J’peux leur dire demain, moi.

On va le faire et tu leur donneras les détails si tu veux. Nous ne comprenons pas bien les motivations de tes parents. En tout cas, merci de nous avoir raconté. C’était sympa. Pourquoi vous ne vous êtes pas montré devant nous ?

Vous aviez plein d’appareil. On avait peur que vous nous attrapiez !

Vous avez eu raison, on vous aurait effectivement attrapé.

Heureux d’avoir enfin démêlé tous les fils de cette histoire, nous retournons sur la place du Michelhé. Nous expliquons que nous avons la solution et demandons à Martine, Géraldine et Anaïs de revenir sur la place. Nous faisons alors le récit de tout ce que nous savons. Stéphanie est partagée entre la satisfaction d’être libérée de ses angoisses et la colère contre les auteurs du canular. Martine et Christian, arrivé sur la place, trouvent que c’est plutôt amusant. Kévin se cale sur les genoux de sa mère, qui n’est pas du tout fâchée. Stéphanie émet encore des doutes : le bouquet, les os qu’elle a cru apercevoir.

Nicolas G., Géraldine et Christelle, retournent voir Ludovic pour faire des photos du costume. Ludovic montre tout et se prête au jeu des photos. Pendant ce temps, Kévin avoue qu’il savait et explique comment le costume a été fabriqué.

Devant les photos, Stéphanie est finalement convaincue. Mais l’attitude des parents des garçons reste surprenante. Pourquoi avoir joué le jeu alors qu’ils connaissent Martine et sa fragilité ? Nicolas V. propose une démonstration de l’extinction des lumières du village avec les phares de la voiture. Martine et Stéphanie sont impressionnées. Kévin se réjouit à l’avance de ce qu’il va pouvoir faire d’une telle trouvaille. Nous nous rendons ensuite à la terrasse du café pour boire un verre ensemble. Stéphanie est ennuyée de nous avoir entraînés dans un canular. Nous la rassurons. Nous sommes joyeux et avons le sentiment de clore cette visite à Mauroux à l’endroit où elle a commencé.

Kévin échange des SMS avec ses copains. Ceux-ci veulent nous faire une démonstration de « dame blanche » à l’église. Nous retournons sur les lieux où nous attendent Thierry, Laurence et leurs enfants. Martine leur dit d’un air de reproche amical accompagné d’une légère tape : « Eh ben ! Bravo les parents ! ». Christelle les interroge sur leurs motivations compte tenu de la situation fragile de Martine. Thierry voit rouge, et lui demande de discuter à part.

Ignorant tout de cet échange, le reste de l’équipe réalise des photos de la dame blanche et de tous les protagonistes de l’affaire devant l’église. Puis nous retournons au bar, tous ensemble, en chahutant.

Pendant ce temps, Thierry explique :

« c’est un canular des gamins, qui est allé trop loin, beaucoup trop loin, mais Martine était au courant. Je ne suis pas d’accord de passer pour un salopard qui se jouerait d’une personne fragile. Les gamins ont fait leur vidéo et leurs apparitions à l’église, mais quand on a su que Martine Michelhait, on leur a demandé d’arrêter. On est allé une fois avec Martine pour voir, et juste après Julien s’est dévoilé. Martine savait tout avant que vous arriviez, mais Stéphanie n’a rien su du canular. Martine ne savait pas comment vous dire que c’était bidon. Je lui ai conseillé de vous téléphoner pour vous dire qu’elle avait été victime d’une blague de gosses et basta. Elle a fait le choix de laisser courir. C’était son truc. »

Thierry a même informé le maire du village, ses garçons étant « mouillés ». Il trouvait que ça allait trop loin. Il nous trouvait très sympa, mais n’a rien dit car c’était « le truc de Martine » : « elle prend ses responsabilités, à elle de dire la vérité, notamment à sa fille, et d’arrêter le jeu ». Il précise encore une fois que Stéphanie ne sait rien. Christelle est stupéfaite. Croisant Nicolas G., elle lui donne ces éléments. Nicolas G. n’arrive pas à croire que Martine ait pu être au courant et qu’elle ait trompé sa fille.

De retour au restaurant, Christelle informe le reste de l’équipe en présence de Martine, Kévin, Christian, Stéphanie, Ali et Dylan. Douche froide. Dans un premier temps, Martine nie avoir été informée. Kévin, son fils, la contredit et affirme qu’elle savait. Stéphanie semble choquée. Elle prend conscience qu’à notre arrivée, elle était la seule à ne pas savoir. Finalement, Martine déclare qu’elle assume. Ali, son gendre, se fâche et dit qu’il n’apprécie pas du tout la plaisanterie. L’ambiance est terriblement tendue. Christian est parti chercher Thierry. Celui-ci répète, en public, ce qu’il a déjà expliqué à Christelle. Martine est livide. Stéphanie est désolée pour nous, et très inquiète pour sa mère : Martine nous a menti, mais elle a surtout menti à sa fille. Dévoilée devant tout le monde, elle risque de très mal le vivre. Nous quittons la terrasse du bar.

Avant de partir, Nicolas V. rassure Martine et Stéphanie : pour ce qui concerne l’OZ, l’expérience a été très intéressante. Les gens du village ont été très sympas et nous n’avons pas du tout le sentiment d’être venus pour rien. Notamment parce que dorénavant, Stéphanie dormira mieux et n’aura plus peur, la nuit, sur les routes du Lot.

Nous remontons dans la voiture. Les sentiments sont partagés. Nous sommes heureux d’avoir finalement résolu cette énigme, mais terriblement inquiets des conséquences qu’une telle affaire peut avoir sur les familles concernées, et surtout sur Martine et Stéphanie.

Quand nous passons devant le capteur de l’éclairage, en bas du village, c’est plus fort que nous : nous pointons les phares de la voiture vers le transformateur et plongeons Mauroux dans le noir pendant une bonne minute. Ce sera notre au revoir. Puis nous reprenons le chemin de l’hôtel, un goût amer dans la bouche.

Ecrit par Nicolas Vivant.

La dame blanche de Mauroux