Dans les années 30, la « United Fruit Company » défriche de grandes étendues de terre, dans le delta du Diquis sur la côte pacifique du Costa Rica. A cette occasion, de nombreuses sphères de granite parfaitement sphériques et apparemment artificielles furent découvertes.

De cette curiosité archéologique, il n’en fallait pas moins pour voir la preuve de l’intervention de races créatrices extraterrestres ou du monde d’Atlantide.

Les véritables connaissances archéologiques de ce phénomène permettent d’avoir un éclairage légèrement différent quant aux mystérieuses sphères précolombiennes du Costa Rica.

George Erickson, coauteur de « Atlantis in America : Navigators of the Ancient World » (1) présente les sphères en pierre du Costa Rica comme un grand mystère inexplicable : […] certaines mesurent 3m de diamètre et pèsent 30 tonnes. Beaucoup sont des sphères presque parfaites, et se sont avérées à moins de 2 millimètres d’une perfection sphérique absolue – un exploit technologique impossible jusqu’à l’invention du laser.

Trois grandes sphères sont alignées en direction de l’île de Pâques – qui a sa propre collection de pierres sculptées – ce qui indique à l’évidence que ces objets sont de vieilles reliques, façonnées il y a plus de 12.000 ans, d’une culture antique, techniquement avancée, peut-être l’Atlantide…

De nombreux sites Internet se sont faits l’écho de ce pseudo-mystère :
http://perso.wanadoo.fr/fidylle/docs/costa.html ou http://www.paranormal-fr.net/pfrn_013a.php:

 

 

[…] Aujourd’hui, on n’a aucune explication de la part des archéologues sur les habiles sculpteurs et sur les techniques qu’ils ont utilisées pour réaliser ces superbes boules du Costa Rica dont on a constaté, que quel que soit leur diamètre, aucune d’entre elles ne présente la moindre irrégularité. La perfection de ces objets prouve effectivement que les artisans qui les ont fabriqués, connaissaient bien la géométrie spatiale et avaient à leur disposition des instruments techniquement bien conçus. A notre époque, nous ne pourrions réaliser une boule parfaite de 2,5 m de diamètre qui représente environ une aire de 5 m2 et un volume de 8 m3, dans une roche aussi dure que le granite, qu’à l’aide de machines-outils programmables perfectionnées.

 

Des pierres (dé)mesurées

Les proportions des sphères sont très souvent exagérées, la plupart feraient plus de 3m de diamètre pour 30 tonnes. Le parallèle permanent avec d’autres découvertes de monolithes ovoïdes monumentaux (+30m de diamètre, au Mexique et aux Etats Unis) qui n’ont aucun lien avec celles du Costa Rica, contribue à semer la confusion dans les dimensions.
En réalité, la plus grosse sphère connue mesure environ 2,15 m de diamètre et son poids est estimé à 16 tonnes. Mais la grande majorité des sphères découvertes ne dépassent pas un mètre de diamètre.

Les Costaricains les utilisent d’ailleurs comme décorations extérieures, devant les musées ou aéroports. Ces sphères ne sont pas tout à fait une chose banale, mais n’ont pas de valeur mystérieuse forte pour les habitants, comme on aimerait le croire dans les guides de tourisme.

Des sphères (qui paraissent) parfaites

L’Anthropologue John W. Hoopes, qui a mené des recherches archéologiques au Costa Rica, a vivement critiqué la méthodologie de mesure des sphères sur laquelles repose l’idée de perfection mathématique.
En premier lieu, Samuel Lothrop, qui a effectué les premières (et seules) mesures dans les années 40 au moment des découvertes, écrit lui-même qu’il n’est pas satisfait par les méthodes de mesures : enfouie la plupart du temps, une portion de la sphère est mesurée, puis l’ensemble est alors estimé.
Comme il est difficile de soulever les grosses pierres, elles sont mesurées sur un plan horizontal et, au mieux, avec une pente de 45°, mais jamais véritablement en totalité.

 

 

Lothrop rajoute que cette opération était laborieuse et donc peu fiable, plusieurs personnes devant en effet tenir les bandes de mesure. Mieux, ces bandes présentaient une marge d’erreur de 1/8 de pouce soit environ 0.3 cm ! Les sphères seraient plus précises que les instruments de mesure ?
L’irrégularité de la surface des sphères dépasse largement les 2 millimètres d’écart maximum qui sont toujours annoncés. La régularité du diamètre varie en réalité de 2,5 cm à 5 cm.

D’autre part, les quelques photos les plus exposées montrent des sphères qui paraissent effectivement parfaites. Pourtant d’autres clichés sont nettement moins convaincants en ce qui concerne l’extraordinaire régularité des sphères : voir entre autre ici et ici.

La surface des sphères est toujours très endommagée. Les siècles d’usure, d’érosion, les manipulations, les transports, entre autres, ont participé soit à l’accentuation du polissage des pierres, soit à l’inverse à la dégradation de leurs surfaces. Peu après leur découverte, beaucoup ont été dynamitées par des chasseurs de trésor croyant trouver de l’or à l’intérieur.
Il est donc très improbable de connaître précisément les formes et les dimensions initiales des sphères et d’en évaluer par conséquent leur extraordinaire perfection.
« Evidemment, les plus grandes pierres étaient le produit de la plus belle habileté technique », écrit Lothrop. C’est effectivement prodigieux, mais pas impossible.

 

L’age de(s) pierres

Les premiers écrits de l’histoire du Costa Rica apparaissent avec l’arrivée de Christophe Colomb lors de son quatrième voyage vers 1502, il n’y a donc pas de référence écrite.
De même l’utilisation du carbone 14 n’est valable que sur les éléments organiques, donc pas de datation possible des pierres elles-mêmes.
C’est l’environnement immédiat (stratigraphie) des sites encore enfouis qui va révéler la présence de poteries, divers objets et constructions. Ces éléments typiques des cultures précolombiennes du Costa Rica méridional permettent une estimation de la période de fabrication de – 200 à 800 de notre ère, pouvant se prolonger sans doute jusqu’au 16éme siècle !
La réelle difficulté réside dans le fait que l’ensemble des sphères de pierre ont été déplacées dès leurs découvertes, effaçant de précieuses informations archéologiques.

Une technique (géo)logique…
Round, round, Get around

Bien que quelques-unes soient composées de coquina, un type de calcaire, la plupart des sphères sont en granodiorite, une roche magmatique (plus précisément une roche magmatique plutonique ).

La provenance de la coulée volcanique à l’origine des pierres a été localisée dans la cordillère de Talamanca, dans le lit de la rivière Térraba (delta du Diquis, au sud du Costa Rica), soit environ 80 km du secteur où beaucoup de sphères ont été trouvées : la région de Palmar (cercle rouge).
Mais la provenance enfin découverte n’a fait qu’engendrer de nouvelles spéculations du type « comment de telles pierres massives auraient pu être déplacées sur une telle distance sans transport moderne ? »
Simplement, rappelons-nous que la période de réalisation des sphères est postérieure de quelques 2550 ans à la première pyramide égyptienne ou à la première phase de fabrication de Stonehenge (2).
Rien d’extraordinaire, si ce n’est la patience et l’énergie déployées, et cela, vraisemblablement sur plusieurs générations.

 

Sur ce même site l’archéologue Ifigenia Quintanilla a trouvé des pierres qui peuvent être des sphères inachevées, ce qui a suggéré la méthode de fabrication sur laquelle s’accordent les archéologues:
Lorsque la granodiorite est soumis à des variations thermiques rapides et répétées, une mince couche de surface se détache, et s’émiette facilement, à l’image des couches d’un oignon. Un feu intense et de l’eau froide suffisent à esquisser une forme sphérique, qui peut être alors martelée, meulée ou polie avec des outils rudimentaires. Des techniques semblables et bien plus anciennes ont été utilisées dans la fabrication d’outils et de statues en pierre, sans l’intervention de métal.

 

Pour James Randi, les sphères du Costa Rica sont même totalement naturelles.
Issues directement du volcan et déjà particulièrement sphériques, elles seraient le résultat de nombreux processus géophysiques dans un contexte volcanique, à l’image du phénomène visible dans une « lampe à magma ». Aucun besoin de les travailler, juste de les déplacer.
Détails sur http://www.randi.org/jr/111502.html .

Il est d’ailleurs un tailleur de « sphères » en activité, Don Mundo, un artisan Costaricain de 76 ans qui n’a pas cru qu’une technologie de pointe serait nécessaire pour faire des sphères. Il était même loin de penser que les habitants pré-Colombiens aient eu besoin de l’aide des visiteurs extraterrestres, ou venant de l’Atlantide. « Si le peuple autochtone pouvait les faire, je peux aussi ». Avec des pierres du fleuve Térraba qui sont déjà à moitié rondes, il frappe, ébrèche et polit la pierre jusqu’à ce qu’il obtienne finalement un objet presque parfaitement sphérique de 15 à 30 centimètres de diamètre, et jusqu’à 1.5 mètre pour certaines. Une véritable archéologie expérimentale !

…d’une culture précolombienne
The Precolumbian’Rolling Stones

La période de datation étant très large, il est dur d’établir l’origine exacte des peuples qui ont, les premiers, fabriqué ces sphères de pierre. L’existence de ces dernières dans la culture costaricaine est d’ailleurs complètement restée oubliée jusqu’à ce qu’elles soient redécouvertes dans les année 1930.
Les éléments archéologiques disponibles, avec les poteries et les autres matériaux, sont typiques des cultures précolombiennes du Costa Rica méridional, d’Aguas Buenas et de Chiriquí. Leur langue était le Chibchan, ce qui les différencient des peuples du Nord-Ouest du pays. D’après Hoopes, leurs descendants modernes seraient les Boruca, Téribe, et Guaymí. En somme, il faut retenir que l’identification des fabricants est plus d’enjeu linguistique et régional, qu’interplanétaire ou extra-humaine.

 

Les véritables mystères qui (de)meurent

La signification ou l’usage des sphères reste extrêmement spéculatif.
E. Dal Lago (USA), a soutenu une thèse comparant le contexte culturel des sphères costariciennes aux autres sociétés qui ont en commun les grandes pierres déplacées (les Olmecs, l’Europe celte, la Polynésie, etc..)
Il a également réexaminé l’hypothèse, d’abord soulevée par Lothrop, que les sphères aient été placées à l’origine dans des alignements significatifs : sans résultat.

Notons ici qu’il est difficile d’accepter la précision des alignements avancés par Erickson : des groupes de sphères pointeraient en direction de l’île de Pâques, des Galápagos, Stonehenge, etc.
Tout comme avec un menhir, la visée à l’aide d’une sphère de pierre pour repérer un point sur l’horizon, offre un champ si large qu’il permet à une personne reconstituant les alignements de fixer n’importe quel point (3), en négligeant bien sûr la courbure de la Terre ! C’est encore moins acceptable sur une carte du monde : voir la page 23 du livre d’Erickson et Zapp.

Et à l’exception de quelques sphères localisées sur une île (Isla del Caño) la majorité est trop loin de l’océan pour avoir eu une quelconque utilité à la navigation.
De plus, tous ces alignements ont été détruits lors des déplacements, ainsi la précision des mesures d’origine faites dans les années 40 n’est pas vérifiable. Avancer l’existence d’alignements significatifs est alors très aléatoire.

Ces sphères étaient-elles des objets de culte, une représentation de la sphère céleste ? Des bornes géographique, des signes distinctif d‘un statut social symbole de puissance, des marques ethniques. Leur fabrication était-elle ritualisée ?
La dernière étude des sphères est celle de l’archéologue Ifigenia Quintanilla en 1999. Elle s’oriente vers une combinaison de ses diverses hypothèses.

Le « mystère » des sphères précolombiennes du Costa Rica réside plus dans la signification qu‘elles portaient, que sur des continents perdus, des astronautes précolombiens, un GPS ancestral et autre astroarchéologie.
Ces théories-affirmations sont en réalité basées sur un effet « petit ruisseaux » qui consiste à développer des théories grandioses à partir de petits « oublis » ou petites « erreurs » qui sont absolument nécessaires pour la crédibilité desdites théories (4).

Une chose est sûre, leur réalisation, comme l’erreur, est humaine.

Nico G

PS :

Ma propre découverte : une véritable sphère de pierre, trouvée en Drôme provençale.
Des spécimens plus importants d’environ un mètre de diamètre existent. Ces « cailloux ronds » complètement naturels sont relativement communs dans cette région…et n’inspirent apparemment pas autant de mystère..

Le concours de trouvailles est lancé pour ouvrir « la galerie des mystérieuses sphères de quelque part » !

Références :

(1)- G. Erickson, I. Zapp, « Atlantis in America : Navigators of the Ancient World », Adventures Unlimited Press, 1998.
(2) et (3) – Henri Broch, « Au cœur de l’extra-ordinaire »,chapitre « Les mystères de l’Archéologie-fantastique », Book-e-book, 2002, . (http://www.book-e-book.com)
(4)- Henri Broch, « Le paranormal », Point-science, N°60, Seuil 2001.

Plus de photos des sphères du Costa Rica sur http://www.ku.edu/~hoopes/balls/gallery.htm

Et le site du « Parque de Esferas », le Parc aux Sphères, (d’où sont issues les photos) ouvert afin de protéger cet aspect du patrimoine culturel costaricain, en lien avec les archéologues : http://cml.upenn.edu/costarica/eng/intro.htm

Sources :

En Espagnol :
– Interview de I. Quintanilla

En Anglais :
– Site de James Randi.
– Page de l’Université d’Harvard
– Excellent site de W. Hoopes.
– Dossier de world-mysteries.com
– Forum Archaeology List 1996
– Article de J. Kissell
– Fondation Landmarks
– The Floating Stone Sphere Water Fountain
– Site de George Erikson: Atlantis in America
– Costa Rica’s Neglected Stone Spheres
– The Stone Spheres of Costa Rica
– Article D. Yurchey

Les mystérieuses sphères du Costa Rica