Écrit par Jean-François DUFAYARD, 8 décembre 2004.

Du grec lithos, qui signifie pierre, et therapeia, qui signifie soin, la lithothérapie désigne une pratique pseudo médicale bien contemporaine, datant des années 1970, et qui attribue à certains minéraux des effets thérapeutiques très variés.
Sur quels principes se base cette discipline ? A-t-elle une origine traditionnelle forte ? Qui la revendique ? Qui la pratique ? Est-elle réglementée ? Quelle garantie a-t-on sur les résultats ? Quels en sont les tarifs et pour quelles prestations ?
L’ambition de ce dossier est d’apporter des réponses simples et objectives à ces questions, afin que les utilisateurs de la lithothérapie aient une source d’information et une opinion désintéressée sur le sujet, et ce afin d’éviter que l’exclusivité du discours soit réservée aux personnes financièrement intéressées à cette pratique.

 

L’Homme et la pierre, le plus vieux couple de l’humanité… Quel contexte culturel pour la thérapie par les pierres ?

Les minéraux, de la plus petite pierre précieuse au plus gros rock sacré, ont toujours fait partie intégrante du folklore et des croyances populaires des cinq continents. Il serait illusoire d’espérer présenter une liste exhaustive de ces traditions, qui ne pourrait être qu’extrêmement grossière et imprécise.
Depuis nos plus primitives civilisations, et jusqu’à nos jours, les pierres nous servent à concevoir des outils, des constructions, des œuvres d’art, des objets d’ornement et des objets de culte.
Cependant, malgré leur omniprésence dans nos vies, les minéraux en général sont méconnus de la plupart des gens. La discipline scientifique qui s’intéresse entre autres à ce sujet, la géologie, est très peu enseignée avant le baccalauréat, et plus du tout après à moins de faire des sciences naturelles ou physiques sa spécialité.
Ainsi, les pierres, et de façon générale les minéraux, semblent un terreau fertile et propice à la germination de croyances et de pratiques mystiques. La méconnaissance de leurs propriétés et de leurs compositions dans la culture générale populaire laisse le champ libre aux affirmations les plus farfelues sur le sujet.
De plus, les minéraux ont indéniablement un effet et une incidence sur notre santé. Pour ne citer qu’un exemple, notre sang contient de nombreux sels minéraux différents : leur dosage influe sur notre corps et contribue pour une certaine part à notre état de santé. L’exemple le plus évidemment connu est le classique sel de table, un minéral dont la formule est Na Cl (chlorure de sodium), et une carence ou un excès de sel dans le sang a des conséquences directes et immédiatement observables sur notre corps (quantité d’urine produite, sudation …).
Entre ces réalités scientifiques et nos préhistoriques idoles de pierre, l’écart est immense et quelque part s’y trouve la lithothérapie… Mais où exactement ?

Des pierres… Des soins… Qu’entend-t-on exactement par lithothérapie ?

La lithothérapie est une pratique pseudo médicale qui a pour objectif d’améliorer notre état de santé, au sens large, en utilisant un grand nombre de pierres différentes. Chaque pierre est associée à une ou plusieurs facettes de notre état de santé physique ou mentale. Les pierres sont portées en permanence, ou appliquées lors d’une séance d’une durée déterminée, à des points particuliers de notre corps.
Mais les pierres que l’on utilise requièrent des soins particuliers : elles doivent être purifiées, par des procédés dépendant de la pierre (bain de soleil, d’eau distillée…), puis rechargées avec une « énergie » de notre choix, que l’on serait capable de transmettre par la pensée en plaçant la pierre sur notre « troisième œil » et en se concentrant.
De manière plus confidentielle, les pierres pourraient également servir à des exercices paranormaux comme la télépathie, et aider à percevoir les auras. Les auras seraient, pour certaines personnes, un halo entourant les gens ; halo prétendu visible sous certaines conditions et dont la couleur et l’aspect seraient riches en information.
Cependant, la thérapie par les pierres n’est pas exclusivement réservée à la lithothérapie. C’est une pratique surtout francophone, et il existe d’autres pseudos médecines par les pierres dans le monde. Par exemple, la stone therapy est sa concurrente directe aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, et sa pratique est différente car elle relève davantage du massage que de l’application à des points précis. Cependant, un dossier exhaustif de ces pratiques n’est pas l’objectif de ce document, et la lithothérapie en est le seul sujet.

 

Une affaire de famille… Petite histoire de la lithothérapie, et de son plus ardent défenseur

Il est assez difficile de connaître l’origine exacte du terme de lithothérapie. On peut néanmoins affirmer que c’est le mouvement New Age qui est l’inspirateur premier de cette pratique, et les rares professionnels de la lithothérapie ont tous subi de façon majeure cette influence.
Néanmoins, une personne revendique des recherches et des innovations sur cette pratique telle qu’elle existe actuellement : Reynald Georges Boschiero. C’est la personnalité la plus présente aux différents salons et expositions minéralogiques, et l’auteur le plus acheté d’ouvrages sur le sujet. Étudier de près son parcours est intéressant pour comprendre l’origine de cette pratique.
Son histoire, et celle de la lithothérapie qu’il pratique et enseigne, est relatée sur l’Internet sur son site personnel. Le paragraphe mentionnant ses études et ses travaux est particulièrement intéressant, et mérite d’être détaillé :
« Après des études scientifiques qui le conduisent en Faculté de Médecine, il fréquente une école d’Arts Décoratifs dans laquelle il découvre les vertus des couleurs. Par la suite, ses activités professionnelles l’amènent a rencontrer le célèbre professeur Abraham MOLE sous l’égide duquel il poursuivra un doctorat de Psychologie Sociale. » -Texte brut sans coupure ni correction. Cette phrase pose problème car, en lisant attentivement, il n’est spécifié nulle part que R. Boschiero ait obtenu le moindre diplôme. En effet, après avoir pris contact avec lui, il s’avère que son séjour en médecine fut très bref, et qu’il n’y a obtenu aucune validation. Son doctorat n’en est en fait pas un. Il a suivi en auditeur libre les cours de DEA du professeur Moles (notons la troublante faute d’orthographe faite par R. Boschiero sur le nom du professeur), et a poursuivi avec son soutien des travaux libres sur un sujet qui n’a absolument aucun rapport avec les minéraux.
La lithothérapie, quant à elle, commence à émerger dans l’esprit de R. Boschiero dans les années 1970. Il étudie la géologie des sols et la minéralogie, en autodidacte. Il subit ensuite diverses influences mystiques : deux initiateurs au New Age, des shamans Navajos, ainsi que des « rituels afro-brésiliens du comdoblé ».
Au terme de ses différents voyages, R. Boschiero expérimente ce qu’il a observé sur ses proches. C’est sur la base de ses expériences, dont les protocoles ne sont pas disponibles, qu’il élabore sa lithothérapie et publie son premier livre.
Il revendique également l’influence de divers auteurs qui ont traité de la lithothérapie : Daya Saraï Chocron (auteur New Age porté sur lithothérapie), Michel Dogna (auteur porté sur les elixirs, tant floraux que minéraux, et sur les fleurs de Bach en particulier), Barbara Chinta Strubin (spécialiste du Reiki), et Tosca Tetteroo (auteur porté sur la vertu des pierres en général).
Peu après, il fréquente les salons minéralogiques, donne des conférences et commence à vendre des stages de formation et des pierres au grand public. Il revendique également une activité de recherche régulière sur le sujet, dont la conséquence notable est la réédition occasionnelle d’une mise à jour de son guide (qu’il faut racheter).
Hors de toute réglementation, la lithothérapie est donc une formalisation et une modernisation d’un concept pseudo médical New Age, dont l’activité consiste principalement en une vente de formations, de livres et de minéraux.

 

La multi thérapie au pays des pseudos médecines… Comment la lithothérapie est-elle sensée marcher ?

La lithothérapie revendique un nombre conséquent d’effets pseudos médicaux et mystiques. Le mot d’ordre est clairement : « Plus il y a d’effets supposés, plus ça a de chances de marcher ». Et des effets supposés, il y en a pléthore. En voici une liste dont je ne garantis pas l’exhaustivité :

    • Un des premiers effets revendiqué est l’effet supposé de la couleur de la pierre utilisée, pseudo médecine connue sous le nom de chromothérapie (ou chromatothérapie, ou encore chromathérapie). En deux mots, les vibrations des différentes couleurs « rééquilibreraient » de supposés désordres énergétiques.

 

    • Un autre effet serait relatif au champ magnétique « émis » par la pierre. Les allusions relevées sur le sujet sont peu explicites, hélas.

 

    • Un effet allégué particulièrement étrange est un effet relatif à l’oligothérapie, avec un soupçon d’homéopathie. Que cela soit par le contact avec la peau, ou en ingérant une eau ayant contenue une pierre, des oligo-éléments utilisés dans les préparations homéopathiques passeraient dans le sang et seraient à l’origine d’effets thérapeutiques.

 

    • Les pierres sont appliquées aux points des sept principaux « chakras », selon la pathologie visée et la pierre utilisée.

 

    • Parallèlement, on fait le rapprochement entre les sept chakras et les sept systèmes cristallins. Ces systèmes cristallins sont décrits avec moult détails et mots scientifiques, exactement de la même façon que dans un livre universitaire de cristallographie. Le lien entre les systèmes cristallins et les effets attendus des pierres est assuré par un ensemble de symbolismes, exactement comme le lien que certains supposent entre les nombres et le destin en numérologie.

 

    • Les pierres peuvent également être appliquées à des points d’acupuncture, s’ils sont différents des chakras.

 

  • L’effet des pierres serait optimisé en fonction d’affinités avec le signe astrologique occidental du patient.

Ainsi, les fiches techniques relatives aux pierres sont extrêmement compliquées et riches en informations variées : elles mentionnent les points d’application, les effets attendus et leur puissance, les signes astrologiques de prédilections, le système cristallin et le chakra, ainsi que les modes de purification et de rechargement.

 

Tarifs et puissance, une corrélation (in)attendue ?

La lithothérapie n’est pas une activité gratuite, loin s’en faut. Les tentations qui démangent le porte-monnaie sont nombreuses.
Pour un nouveau pratiquant, les premières dépenses seront les stages de formations : 300€ en moyenne pour un stage de deux jours. On y apprend toute la théorie des effets thérapeutiques supposés, ainsi que de nombreux ateliers pratiques.
Ensuite, il faudra bien acheter des pierres… Et tous les prix sont disponibles : de 5€ à 1000€, selon la variété, la taille, la qualité, et le travail effectué dessus. Et, selon les recommandations des experts du domaine, il faut en mettre partout : sur soi-même évidemment, mais aussi dans les pièces de nos maisons, devant les fenêtres… Ce qui peut vite revenir cher.
D’autant qu’il existe une corrélation perverse entre le prix de la pierre et sa puissance. En effet, les pierres les plus bénéfiques, les plus puissantes, et aux effets les plus variés et impressionnants sont également les plus chères (diamants, alexandrites, saphir). Certaines pierres sont peu recommandées (comme l’agate), mais sont parmi les sortes les plus communes et de meilleur marché. Lorsqu’une pierre est alléguée plus puissante qu’une autre sur un même effet (par exemple, le spinelle est plus puissant que l’améthyste, mais moins que la tanzanite), les prix moyens varient dans le même sens. De même, on vous conseillera l’achat de gros cristaux s’ils sont bruts, ou alors des cristaux travaillés (sculptures…) si vous en voulez un petit.
Cette corrélation n’est pas anodine, et même très troublante. En effet, le prix d’un minéral n’est absolument pas dépendant de son effet thérapeutique allégué, compte tenu de la grande jeunesse et marginalité de la lithothérapie. Mais le prix d’un minéral est principalement dépendant de sa rareté, de sa pureté, de sa finition et de son coût d’extraction, qui est motivé par la demande de joailliers bien peu influencés par des considérations lithothérapiques. Donc, on peut supposer que les effets revendiqués pour telle ou telle pierre sont motivés, au moins en partie, par son prix et donc par le profit que l’on peut en retirer à la vente.

 

Puisqu’il faut conclure…

Conclure un article sceptique est un exercice délicat, où il faut savoir faire la part des choses entre les faits, les réflexions et les opinions personnelles. Au regard des faits et des réflexions exposés plus tôt, la conclusion ne contient qu’une opinion personnelle mais étayée.
Issue de la mouvance New Age, la lithothérapie ratisse large. L’objectif paraît clair : capter un maximum de gens en touchant du doigt un maximum de pseudo médecines, et les amener à pratiquer cette activité. La cible de l’argumentaire est évidente : les utilisateurs habituels des médecines douces. Bien sûr, un brin de science, par l’intermédiaire des systèmes cristallins, apporte une caution bien peu méritée car aucun lien autre que vaguement symbolique ne peut être fait avec le reste de cette théorie.
Donc, non ; aucun des arguments des lithothérapeutes ne permet de supposer un effet autre que placebo pour les utilisateurs.
« Il ne s’agit pas d’effet placebo !», avance R. Boschiero… « Ce que nous parvenons à faire l’atteste quotidiennement ! »
Une telle affirmation requiert autre chose en guise de preuve qu’un groupe de convaincus faisant des observations entre eux… Cela requiert bel et bien un test en double-aveugle. Cependant, pas de trace d’une telle étude dans la bibliographie de ce domaine.
Une fois ces constatations faites, se faire une opinion est une question de croyance… Ou d’intérêt, car la lithothérapie reste avant tout un business juteux pour leurs défenseurs qui en ont initié le commerce.

Bibliographie :

Ouvrages de tenants de la lithothérapie :
[1] Reynald G. Boschiero, « Dictionnaire des pierres utilisées en lithothérapie », éditions Ambre, 1993.
[2] Reynald G. Boschiero, « Le nouveau dictionnaire des pierres utilisées en lithothérapie », éditions Vivez Soleil, 1995.
[3] Reynald G. Boschiero, « Le guide des pierres de soins », éditions Marabout, 1999.
[4] Daya Sarai Chocron, « Bien dans son coeur grâce aux pierres » (1999), éditeur inconnu, 1999.
[5] Daya Sarai Chocron, « La santé par les pierres : Lithothérapie », Broché, 2000.
[6] Jean-Yves Paulin, « La mystique des pierres », éditions du Cosmogone, 2002.
[7] Mélanie De Crée et Tosca Tetteroo, « Pierres et cristaux – pouvoirs naturels et vertus minéraux », éditions Gange, 2003.
[8] D. De Ruiter et Tosca Tetteroo, « Cristal et son livre », éditions Binkey Kok, 2004.

Sites Internet de référence :
www.reynaldboschiero.com – Site personnel de R. Boschiero.
www.crystal-energy.com – Boutique de R. Boschiero.
www.lithotherapie.com – Un site de référence moins complet et sa…
www.lamystiquedespierres.com – … boutique associée, par Jean-Yves Paulin.

Lithothérapie, le minéral au service du médical ?