Écrit par un membre de l’OZ, jeudi, 01 Novembre 2007.

Cet article comporte le témoignage et les réflexions personnelles d’un membre de l’Observatoire zététique sur son rapport au paranormal et à la zététique. Il ne s’agit donc pas d’une prise de position de l’Observatoire zététique.

 

Naît-on croyant (tenant [1]), naît-on sceptique, naît-on attiré par l’occulte ou plutôt par le rationnel ? Mon objectif n’est pas de définir l’ensemble de ces termes. L’aura, l’ésotérisme, le paranormal… on n’ouvre pas le dictionnaire quand on en parle entre amis. Or, c’est à l’ami qui se trouve potentiellement derrière chaque lecteur que je m’adresse humblement. En fait, à travers ces lignes je souhaite rompre ce positionnement trop souvent vu : « tenant (ou croyant selon le terme que vous préférez) contre sceptique ». Je le refuse, parce que mon histoire est faite de tenants que j’aime, de sceptiques que j’aime, de tenants qui m’insupportent et de sceptiques qui m’insupportent au moins autant. C’est pour cela que je me propose de partager avec vous mon parcours, non comme un exemple universel, mais comme un pont vers un questionnement.

 

De la naissance à la croyance

Je suis né dans une famille très attirée par le paranormal. Voici une liste (incomplète) de méthodes avec lesquelles je fus soigné : homéopathie, ostéopathie, acupuncture, kinésiologie, médecine ayurvédique, fleurs de Bach, coupeur de feu et d’entorse, enleveuse de verrues…

J’entendais régulièrement parler d’esprit, d’énergie, d’aura, de karma, d’astrologie, de radiesthésie, de géobiologie…

À l’âge de raison, j’étais sûr d’approcher une forme de vérité : ces médecines fonctionnaient, puisque que je guérissais. Cela impliquait de ma part une forme de rejet de la médecine dite moderne, des nouvelles techniques (four micro-onde, vaccin)…

Mon père était reconnu en tant que rebouteux et de nombreuses personnes appelaient pour résoudre des souffrances physiques accompagnées, parfois, d’une profonde détresse… et pour lesquelles les méthodes « officielles » étaient inefficaces. Papa réussissait visiblement à soigner, vu que le bouche-à-oreille était important… un père au sommet de l’estime de son enfant.

 

De la croyance à l’évangélisation

L’adolescence passée et l’âge adulte arrivant, je décidai d’évangéliser doucement mon entourage et je partageais mes croyances sur le paranormal et sur les médecines dites parallèles, avec la sincère volonté de vouloir faire le bien. Ma démarche étant sérieuse, je potassais livre après livre et, plutôt à l’aise en rhétorique, je convertissais peu à peu mon petit monde.

J’approfondis ensuite, sûrement comme tout un chacun, le sens de la vie en me questionnant sur les réincarnations, mon avenir, en cherchant à ressentir des énergies.

Intérieurement, je ressentais le devoir de reprendre, un jour, le flambeau de mon père pour soigner la souffrance d’autrui. Pourtant, je ne croyais pas en tout et en n’importe quoi. Un côté cartésien[2] me permettait de faire un tri et je ne croyais ni aux horoscopes de madame Teissier, ni aux médecines de charlatans.

 

De l’évangélisation à la confrontation

Lorsque j’en parlais, indéniablement je rencontrais des sceptiques, dont à force je connaissais par avance les arguments. Je me disais intérieurement que c’était des bornés qui de toute façon, en n’utilisant que leur cerveau, ne pouvaient ressentir des choses qui échappent à la raison, à la science. Je les trouvais arrogants et prétentieux (mais au fond de moi, je l’étais sûrement aussi un peu en me disant : « dommage, ils passent à côté d’une réalité des choses »).

Mon père insistait sur le fait de rester humble : en étant moi-même, je provoquerai le questionnement un jour ou l’autre.

 

De la confrontation au questionnement

Les confrontations étaient parfois assez passionnelles, car parler de ces choses engage souvent une part affective forte. Ayant fait des études scientifiques, je pouvais facilement argumenter en m’appuyant sur des théories.

En tant que croyant (et je trouve que c’est souvent le cas chez d’autres), je cultivais une ambiguïté entre : « ces choses-là ne sont pas du champ de la science car ésotériques donc non prouvables », et entre : « les scientifiques, trop bornés qu’ils sont, refusent de se pencher sur ces choses-là ».

Or si je voulais expliquer des choses, il me fallait des outils. Finalement je me suis investi d’une nouvelle mission : prouver sérieusement que j’étais dans le vrai avec, s’il le faut, des arguments vraiment scientifiques. Cela impliquait d’écouter les arguments des sceptiques.

Je sais que certains tenants ne seront pas d’accord avec cette démarche, car pour eux, c’est quelque chose qui ne peut pas être démontré scientifiquement, car c’est ressenti intérieurement et pas abordé avec le cerveau. Ils pensent aussi que si on a un don, ce n’est pas pour l’étaler et qu’on n’a rien à prouver. Je suis plus dans le sens : « si c’est vrai, mince ce serait bien dommage de ne pas pouvoir le partager ».

 

Du questionnement à la zététique

J’ai lu un jour un livre d’Henri Broch et de Charpak : « Devenez sorcier, devenez savant ». J’ai détesté. Le ton m’empêchait de recevoir le moindre argument développé. Et puis un jour j’ai rencontré la démarche zététique [3]. Ce ne fut pas un coup de foudre, mais un attrait certain. Je pense que cela s’est assez bien passé car j’étais dans une démarche d’ouverture et non dans une démarche de vouloir convaincre les sceptiques : pour cela il fallait que j’ose embrasser le doute… difficilement, car remettre en cause ses croyances n’est pas chose aisée. Cela demande une très grande humilité : en effet, quelque part, c’est se mettre en danger, reconnaître un tort potentiel.

Je ne sais pas si toi, lecteur (je me permets de te tutoyer vu que tu me connais bien maintenant), tu es plutôt tenant, mais je trouve vraiment intéressant de s’autoriser à avoir peut être tort. Cela ne veut pas dire que tu as effectivement tort, cependant tu te permets d’ouvrir une brèche que tu pourras bien sûr refermer.

Je me souviens des grincements de dents que j’avais lorsque j’entendais des jugements féroces vis-à-vis de certaines croyances. Et qui étaient-ils pour juger telle ou telle médecine sans jamais l’avoir expérimentée sur eux ?

Finalement je me suis rapproché de zététiciens que j’identifiais comme étant les plus tolérants. Avec du recul, je me rends compte qu’ils sont les plus sensibles aux enjeux affectifs.

Alors suis-je devenu zététicien du jour au lendemain ? Non, c’est un cheminement intérieur qui demande à être nourri plusieurs fois. La curiosité est le seul guide.

 

Le basculement

La fissure, pour moi, a été l’homéopathie. J’ai approfondi la question assez loin pour m’apercevoir qu’en fait ce n’est pas du tout ce que l’on croit (je t’invite à regarder en détail la composition de l’Oscillococcinum).

Alors pourquoi un basculement ? Parce que de nombreuses autres pratiques valident l’homéopathie. Et si elles valident quelque chose de « faux », elles sont elles-mêmes fausses… c’est ce que j’ai pensé[4].

Et pourtant, j’ai guéri par l’homéopathie, je l’ai vue résoudre plein de petits soucis chez des amis, parents. Avec la démarche zététique, j’ai pu comprendre que ce n’était pas spécialement pour les raisons que l’on croit (effet placebo, méconnaissance du corps et des maladies, psycho… jouent probablement un rôle).

C’est là que je trouve la confrontation classique tenant-sceptique stérile, car finalement elle empêche d’aborder d’autres sujets qui mériteraient d’être approfondis : « quels sont les mécanismes de l’effet placebo ? », par exemple.

Lorsque j’écoute une personne qui me rapporte un phénomène paranormal, j’entends quasiment systématiquement : « je tiens à préciser que je suis quelqu’un de très cartésien ». Combien de fois l’ai-je dit moi-même, comme un argument béton. Car le plus difficile je pense, pour un tenant, est de comprendre l’apport d’une démarche scientifique à ses croyances.

 

De la zététique au respect

Ce cheminement m’a donné une certaine force que j’essaye de ne pas perdre : me souvenir des arguments de sceptiques qui me blessaient, que je trouvais ridicules… même s’ils pouvaient être vrais, car souvent je pouvais les prendre comme une agression d’un sceptique pur et dur qui ne pouvait pas ouvrir son esprit.

J’ai un profond respect pour des tenants et je peux comprendre les enjeux quand, par exemple, la médecine « officielle » n’a plus de solution pour nous. Et je sais qu’il est insupportable de perdre espoir.

Et puis, il faut bien reconnaître les faiblesses de la médecine « officielle » (que valent cinq minutes de consultation face à une demi-heure chez un homéopathe qui s’intéresse vraiment à vous ?) et l’absence à l’école d’un enseignement de l’esprit critique.

Quant à moi, il m’arrive encore de prendre des gouttes de tel remède magique de ma maman, car il me rappelle bien des choses et du coup je vais bien mieux.

Et puis, comme dans mon passé, je m’autorise aujourd’hui à avoir tort. Et je te l’avoue : je rêve toujours de prouver qu’un phénomène paranormal existe…

 

Pourquoi faire de la zététique ?

Étudier, parler du paranormal est un réel plaisir. Tu as sûrement vécu, lecteur, des soirées où des personnes confient leur expérience de table tournante, de magnétiseurs qui ont guéri telle personne, de barreur de feu, des adresses que l’on s’échange. En parlant de tel sujet, on a réel succès… sauf s’il y a un sceptique dans la salle qui donne son avis.

Je suis souvent mal à l’aise devant des personnes qui me rétorquent : « pourquoi critiquer telle médecine ou croyance si cela fonctionne même à cause d’un effet placebo ? Tu es un briseur de rêve ».

La zététique n’a pas comme but de briser un espoir. Elle n’a même aucun but. Elle permet juste aux personnes de faire leur choix en connaissance de cause. Quand Boiron vend de l’Oscillococcinum, quels outils ai-je pour juger de la pertinence de ce « médicament » ? Une fois que la personne a eu les moyens d’approfondir le sujet, libre à elle de choisir ou non la médecine qu’on lui propose. N’est ce pas positif ?

La zététique permet aussi d’analyser un fait comme le témoignage d’une personne guérie par un rebouteux. Que puis-je en tirer comme conclusion ? Le rebouteux a-t-il effectivement un don ?

Car ce qui me frappe aujourd’hui quand je regarde qui j’étais avant, c’était de voir avec quelle facilité je donnais du crédit à une personne qui exerçait une pratique pseudo-médicale.
« Tu sais je suis allé voir monsieur X, il a une technique formidable : il te guérit juste par imposition des mains »
« Ah ouais c’est vrai ? » ? et je colportais la bonne nouvelle…

Comment est-ce que je réagis aujourd’hui, tu dois te demander ? Est-ce que je sors mon attirail de sceptique pour réfuter d’emblée toute croyance ?

Non je m’impose que cela ne se passe pas ainsi. Je mets tous mes préjugés à plat, et en collaboration avec le croyant qui m’offre la chance de se pencher sur ce sujet, j’essaye de comprendre son univers, son vocabulaire (par exemple que veut-il dire par « énergie »). Ensuite je cherche s’il y a déjà eu des expériences faites. Et au final, le rêve, de monter un protocole ensemble, non pas pour prouver qu’il a tort, mais pour mettre en évidence ou non le phénomène.

En tout cas, le travail d’écoute et de collaboration est un enrichissement humain réciproque.

Et finalement cet esprit d’analyse que j’ai acquis, me sert aujourd’hui dans beaucoup d’autres domaines, comme la critique des médias, les discours politiques, etc.

La zététique reste en tout cas un plaisir, un loisir et n’est certainement pas une doctrine avec ses préceptes et ses ennemis.

 

Critique et conclusion

Les zététiciens ne sont pas des personnes parfaites. Effectivement il y a des bornés dans les sceptiques. Ils ne sont pas un groupe uniforme de personnes aux comportements identiques. Nous essayons à l’Observatoire zététique d’être les plus tolérants et ouverts possible.

Finalement il ne faut aucune connaissance scientifique approfondie pour avoir une démarche zététique. Lorsque j’ai une discussion sur ces sujets, je sais qu’il ne sert à rien de partir sur des théories qui expliqueraient tel ou tel phénomène. Ce sont souvent des débats stériles : mettons plutôt en évidence le phénomène en montant un protocole. Et si phénomène il y a, bâtissons ensuite une théorie.

Mais attention, autant notre propre remise en question nous regarde, autant il ne faut pas minimiser l’importance qu’une croyance peut avoir pour quelqu’un.
C’est pourquoi j’ai peu abordé ces sujets avec mon père et je n’ai pas essayé de le tester : pour lui c’est toute sa vie, sa raison d’être. Qui suis-je pour aller le titiller au risque de le blesser ? Et puis, il reste un père toujours au sommet de l’estime de son enfant.

Si tu es arrivé jusque là, je t’en remercie. Je n’ai pas écrit ce texte pour évangéliser avec la zététique comme j’ai voulu, autrefois, évangéliser avec mes croyances. Je n’ai pas sauté de l’arbre des tenants pour atterrir dans celui des zététiciens. J’ai fait ce parcours qui est le mien. Chacun est libre de ses choix, de ses options, et un parcours différent du mien n’est pas un parcours moins respectable. Simplement je me suis dit que partager mon expérience pouvait être intéressant pour d’autres. Un sage disait que chaque personne une fois décédée était une goutte qui allait avec son expérience se mélanger dans un océan à partir duquel on renaissait… je préfère partager de mon vivant !

Je ne signe pas, car ce texte implique d’autres personnes, mais quiconque souhaite en discuter avec moi peut le faire par l’intermédiaire de contact@zetetique.fr

 

Notes

[1] Je préfère ce mot à celui de « croyant » pour exclure la connotation religieuse (la croyance en un dieu n’est pas du ressort de la zététique). Le tenant est celui qui soutient une opinion, défend une doctrine. Appliqué au paranormal, on parle par exemple de « tenant » de l’hypothèse extra-terrestre (qui soutient que les OVNI sont des vaisseaux extraterrestres).
[2] Je fais exprès d’employer ce terme pour rebondir dessus plus loin.
[3] Voir cette petite définition.
[4] Le pendule, l’antenne de Lecher, la kinésiologie ou Acmos, par exemple, permettent de tester si tel médicament homéopathique sera efficace pour soigner la personne.

La zététique n’est pas un sport de combat